L'HISTOIRE SECRETE DES JESUITES


LE CYCLE INFERNAL

1. LA PREMIERE GUERRE MONDIALE

A la fureur soulevée au Vatican par l'alliance franco-russe, et qui se traduisit si bien par l'Affaire Dreyfus ; à la colère qu'y provoqua le rapprochement franco-italien, et dont l'incident Loubet avait clairement témoigné, s'ajoutait encore un ressentiment non moins vif, causé par l'Entente cordiale avec l'Angleterre. Décidément, la France entendait ne pas rester seule en face de sa « redoutable voisine » et de l'Autriche-Hongrie. Une politique aussi « aveugle et inconsidérée », si l'on en croit Mgr Cristiani, était vue du plus mauvais mil dans le Saint des Saints catholique. Car, outre que la « bonne saignée », si nécessaire à la France impie, risquait d'en être compromise, cette politique apportait un précieux appui à la schismatique Russie, brebis égarée dont on n'avait jamais cessé d'espérer le retour au bercail de l'Eglise romaine, à la faveur d'une guerre.

Mais pour l'heure, l'orthodoxie demeurait solidement implantée dans les Balkans, notamment en Serbie, dont le traité de Bucarest, clôturant le conflit balkanique, avait fait un centre puissant d'attraction pour les Slaves du Sud, et plus particulièrement pour ceux qui se trouvaient sous le joug de l'Autriche. Les visées ambitieuses du Vatican et l'impérialisme apostolique des Habsbourg concordaient donc parfaitement, comme par le passé. Pour Rome aussi bien que pour Vienne, la puissance grandissante de la Serbie la désignait comme l'ennemie à abattre.

C'est d'ailleurs ce qu'établit une pièce diplomatique tirée des archives austro-hongroises, le compte-rendu des entretiens que le prince Schônburg eut au Vatican en octobre-novembre 1913, et qu'il rapporte en ces termes an ministre autrichien Berchtold :

« An nombre des sujets traités tout d'abord par le cardinal secrétaire d'Etat (Merry del Val) la semaine passée, à l'occasion de notre entretien, il y avait, et il eût été difficile de ne pas s'y attendre, la question de la Serbie. Le cardinal commença par exprimer sa joie au sujet de notre attitude énergique et opportune ces derniers temps. Au cours de l'audience de ce jour de Sa Sainteté, le Saint-Père, qui a commencé l'entretien en mentionnant notre énergique démarche à Belgrade, a fait quelques remarques caractéristiques : « Certainement, a dit ensuite Sa Sainteté, l'Autriche-Hongrie aurait mieux fait de punir les Serbes pour toutes les failles commises » (1).

Les sentiments bellicistes de Pie X s'exprimaient donc sans ambages dès l'année 1913. Ils n'ont rien qui étonne, si l'on songe aux inspirateurs de la politique romaine.

« De quoi s'agissait-il pour les Habsbourg ? De châtier la Serbie, peuple orthodoxe. Le prestige de l'Autriche-Hongrie, de ces Habsbourg qui, avec les Bourbons d'Espagne, étaient les derniers soutiens des Jésuites, celui surtout de l'héritier, ce François-Ferdinand, leur homme, en aurait été grandement accru. Pour Rome, l'affaire prenait une importance presque religieuse ; un succès de la monarchie apostolique sur le tsarisme pouvait être considéré comme une victoire de Rome sur le schisme d'Orient. » (2)

L'affaire, pourtant, fit long feu en 1913. Mais le 28 juin 1914, l'archiduc François Ferdinand était assassiné à Sarajevo. Le gouvernement serbe n'était, de toute évidence, pour rien dans cet attentat, commis par un étudiant macédonien. Mais l'occasion était trop belle pour décider l'empereur François-Joseph à déclencher les hostilités.

« La clé de l'affaire, soutient le comte Sforza, après quelques autres, était la nécessité qu'il y avait de convertir François-Joseph à l'idée de guerre. L'avis du pape et de son ministre étaient certainement ceux qui pourraient le plus influer sur lui ». (3)

Cet avis ne manqua pas à l'empereur, et il fut bien tel qu'on pouvait l'attendre de ce pape intégriste et de son ministre, « enfant chéri des Jésuites ». Alors que la Serbie tente de sauver la paix en accordant toutes les satisfactions possibles au gouvernement autrichien, qui a envoyé à Belgrade une note comminatoire, le comte Palffy, représentant de l'Autriche auprès du Vatican, résume à son ministre Berchtold, le 29 juillet, la conversation qu'il a eue, le 27, avec le cardinal-secrétaire d'Etat, Merry del Val, sur « les questions qui agitent en ce moment l'Europe ».

Le diplomate dément avec dédain les bruits « fantaisistes » qui ont couru, selon lesquels le pape serait intervenu auprès de l'empereur « pour le conjurer d'épargner aux peuples chrétiens les horreurs de la guerre ». Ayant, écarté ces suppositions « absurdes », il développe « l'opinion réelle de la Curie », exprimée par le secrétaire d'Etat :

« Il aurait été impossible de sentir dans les paroles de Son Eminence un esprit quelconque d'indulgence et de conciliation. Il caractérisa, c'est vrai, comme très rude, la note à la Serbie, mais il l'approuva néanmoins sans aucune réserve et exprima en même temps, de manière indirecte, l'espoir que la Monarchie irait jusqu'au bout. Certes, ajoutait le cardinal, il était dommage que la Serbie n'eût pas été humiliée beaucoup plus tôt, car alors cela aurait pu se faire sans mettre en jeu, comme aujourd'hui, des possibilités tellement immenses. Cette déclaration correspond aussi à la façon de penser du pape, car au cours de ces dernières années, Sa Sainteté a exprimé à plusieurs reprises le regret que l'Autriche-Hongrie ait négligé de K châtier » son dangereux voisin danubien ». (4)

Nous voilà loin, en effet, des bruits « absurdes » d'une intervention pontificale en faveur de la paix.

Au reste, ce n'est pas seulement le diplomate autrichien qui rapporte « l'opinion réelle » du pontife romain et de son ministre.

La veille, 26 juillet, le baron Ritter, chargé d'affaires de Bavière près le Saint-Siège, avait écrit à son gouvernement :

« Le, pape approuve que l'Autriche procède sévèrement contre la Serbie. Il n'a pas une grande estime (les armées de la Russie et de la France en cas de guerre contre l'Allemagne. Le cardinal secrétaire d'Etat ne voit pas quand l'Autriche ferait la guerre si elle ne se décide pas à présent » (5).

Ainsi, le Saint-Siège avait pleine conscience des possibilités immenses » que représenterait un conflit austro-serbe, et néanmoins y poussait de tout son pouvoir.

Qu'importaient au Saint-Père et à ses conseillers jésuites les souffrances des « peuples chrétiens » ? Ce n'était pas la première fois que ces peuples faisaient les frais de la politique romaine. L'occasion longuement souhaitée se présentait enfin d'utiliser le bras séculier germanique contre la Russie orthodoxe, la France «impie», qui avait Grand besoin d'une «bonne saignée », et, accessoirement, l'Angleterre « hérétique ». Tout faisait présager une guerre « fraîche et joyeuse ».

Pie X n'en vit pas le déroulement et le résultat, l'un et l'autre contraires à ses prévisions. Il trépassa en effet au début du conflit, le 20 août 1914. Mais quarante ans plus tard, Pie XII canonisait cet auguste défunt, et le « Précis d'Histoire sainte », à l'usage des catéchismes paroissiaux, lui a consacré ces lignes édifiantes :

« Pie X employa ses efforts à empêcher la guerre « de 1914 et mourut de douleur eu prévoyant les maux qu'elle allait déchaîner »

Si c'est de ]humour « noir », avouons qu'on ne peut faire mieux.

Quelques années avant 1914, M. Yves Guyot, bon prophète, écrivait :

« Si la guerre éclate, entendez bien, hommes qui considérez que l'Eglise romaine est une garantie d'ordre et de paix, n'allez pas chercher les responsabilités ailleurs qu'au Vatican : c'est lui qui sera l'instigateur 6)

Instigateur de la tuerie, le Vatican allait soutenir, non moins sournoisement, ses champions austro-allemands durant toute la guerre. La promenade militaire, en France, que se flattait de faire le Kaiser, fut stoppée sur la Marne, et l'agresseur ramené à la défensive après chacun de ses furieux assauts. Mais, du moins, la diplomatie pontificale lui apporta tout le concours possible, et cela ne saurait surprendre si l'on considère que la divine Providence semblait se complaire à favoriser les empires centraux.

En effet, le cardinal Rampolla, regardé comme francophile - et pour cette raison écarté du trône pontifical sur un « veto » de l'Autriche - ne comptait plus, cette fois, parmi les « papables », étant mort opportunément quelques mois avant Pie X.

Là ne se bornait pas, cependant, l'intervention du « doigt de Dieu » : Comme il en avait pris l'engagement avant le vote, le nouveau pape, Benoît XV, nomma à la Secrétairerie d'Etat le cardinal Ferrata. Mais le cardinal (7) eut à peine le temps d'inaugurer ses nouvelles fonctions. Entré à la Secrétairerie vers la fin de septembre 1914: Il DECEDAIT BRUSQUEMENT le 20 octobre, victime d'une « indisposition » foudroyante, après qu'il se fût fait servir une « LEGERE CONSOMMATION ».

« Il était à son bureau, quand il fut soudain pris de vomissements d'une extrême violence. Il tomba foudroyé.

« Les domestiques s'empressèrent autour de lui. Le médecin, appelé en hâte, reconnut aussitôt la gravité du mal. Devant une si grande responsabilité, il demanda une consultation immédiate.

« Ferrata, de son côté, avait tout compris et ne se faisait déjà plus aucune illusion... Il disait bien haut qu'il ne voulait pas mourir au Vatican...

« La consultation médicale réunie à son hôtel, eut lieu immédiatement. Six médecins étaient accourus... Ils se refusèrent à rédiger un bulletin médical ; celui qui a été publié ne porte pas de signature ». (8)

On ne lui connaissait ni maladie ni infirmité.

« Le scandale de cette mort fut tel que l'on ne put se dispenser d'ordonner une enquête... Le résultat fut qu'un bocal avait été brisé à l'office. On expliqua ainsi tout naturellement la présence du verre pilé dans le sucrier dont le cardinal s'était servi. Le sucre cristallisé n'est pas sans inconvénients.

« L'enquête ne fut pas poussée plus loin... ». (9)

L'abbé Daniel ajoute que le brusque départ, peu de jours après, du domestique attaché à la personne du cardinal décédé donna lieu à bien des commentaires, d'autant plus qu'il avait été, disait-on, l'ordonnance de Mgr von Gerlach, avant que celui-ci entrât dans les Ordres. Ce prélat germanique, espion notoire, devait d'ailleurs s'enfuir de Rome, en 1916 : on allait l'arrêter comme responsable du sabotage du cuirassé italien « Léonard de Vinci », qui sauta dans le golfe de Tarente. ensevelissant 21 officiers et 221 matelots ». Son procès fut repris en 1919. Von Gerlach fit défaut et fut condamné à vingt ans de travaux forcés ». (10)

Par le cas de ce « camérier participant », rédacteur de l'« Osservatore Romano », on peut juger de l'état d'esprit qui régnait dans les hautes sphères du Vatican.

C'est encore l'abbé Brugerette qui parle en ces termes de « l'entourage du Saint-Siège » :

« Professeurs ou ecclésiastiques, ils ne reculent devant aucun obstacle pour inculquer au clergé italien et au monde catholique de Rome le respect et l'admiration de l'armée germanique, le mépris et la haine de la France ». (11)

Le neutraliste Ferrata étant mort bien à propos, le cardinal Gasparri devint secrétaire d'Etat, et, en parfaite entente avec Benoît XV, manoeuvra pour servir au mieux les intérêts des empires centraux.

« Comment s'étonner dans ces conditions que, dans les mois qui suivirent, le pape Benoit XV ait fait tout son possible pour retenir l'Italie sur le chemin de l'intervention ? C'était dans le jeu des Jésuites, amis des Habsbourg... ». (12)

En même temps, on travaillait sournoisement à saper le moral chez les Alliés.

« Le 10 janvier 1915, un décret signé du cardinal Gasparri, secrétaire d'Etat de Benoît XV, prescrivait une journée de prières pour hâter la paix_ L'un des exercices de piété obligatoire était la récitation d'une prière que Benoît XV avait pris soin de rédiger lui même... Le gouvernement français fit saisir le document pontifical. On voulut voir, en effet, dans la prière pour la paix, une manifestation amollissante et délétère susceptible de relâcher l'effort de nos armées, au moment où les hordes allemandes sentaient l'irrésistible pression qui devait les rejeter hors de notre territoire, au moment où le Kaiser voyait approcher la terrible échéance que lui avaient préparée ses crimes impardonnables... Le pape, disait-on veut la paix coûte que coûte, alors qu'elle ne peut être favorable qu'aux empires centraux. Le pape n'aime pas la France, et, pour tout dire, le pape est boche. » (13)

M. Charles Ledré, autre écrivain catholique, confirme :

« On petit estimer qu'en deux circonstances, évoquées par certains articles fameux de « La Revue le Paris », le Saint-Siège, en invitant l'Italie et plus tard les Etats-Unis à ne pas entrer dans la guerre, ne s'était pas borné à souhaité une fin plus rapide du conflit... Il servait contre les nôtres, selon le mot de l'abbé Brugerette, les intérêts de nos ennemis ». (14)

Mais ce n'était pas seulement en Italie et aux Etats-Unis que se faisait sentir l'action jésuito-vaticane. Tous les moyens, tous les terrains lui étaient bons.

« Aussi ne saurait-on s'étonner de trouver la diplomatie pontificale occupée dès la première heure de mettre obstacle à notre ravitaillement de dissuader les neutres de se joindre à notre parti afin de briser le lien qui tient l'Entente assemblée... Aucun moyen ne lui parut petit qui pût aider à cette grande tâche, et préparer la paix générale en provoquant parmi les Alliés quelque défaillance particulière.

« Il y eut pis : des sollicitations à la paix séparée. Du 2 au 10 janvier 1916, une mission de catholiques allemands s'en fut en Belgique prêcher au nom du pape, à ce qu'ils disaient, la paix séparée. Les évêques belges protestèrent que c'était là mentir, mais le nonce se tut et le pape resta muet...

« Le Saint-Siège songeait alors à un rapprochement franco-autrichien par où il se flattait d'amener la France, soit à signer la paix séparée, soit à réclamer de ses alliés qu'on en vînt à négocier la paix générale... Quelques semaines après, le 31 mars 1917, le prince Sixte de Bourbon communiquait au président de la République la fameuse lettre de l'empereur Charles.

« La manoeuvre ayant échoué de ce côté-ci des Alpes, on ne pouvait guère manquer de la renouveler ailleurs, en Angleterre, en Amérique, en Italie surtout...

« Briser les forces matérielles de l'Entente pour avoir raison de sa fureur offensive, et ruiner son prestige moral pour amollir son courage et l'amener à composition.... toute la politique de Benoît XV tient en ces deux propositions, et tout l'effort de son impartialité n'a jamais tendu, et ne tend encore qu'à nous couper les jarrets ». (15)

Ajoutons aux lignes précédentes, dues à un catholique notoire, M. Louis Canet, ce qu'écrit l'abbé Brugerette :

« On ne sut que quatre ans plus tard, par les déclarations de M. Erzberger, publiées dans la « Germania » du 22 avril 1921, que la proposition de paix lancée par le pape en août 1917 avait été précédée d'un accord secret entre le Saint-Siège et l'Allemagne ». (16)

Il n'est pas, non plus, indifférent d'observer que le diplomate ecclésiastique qui négocia cet « accord secret » n'était autre que le nonce à Munich, Mgr Pacelli, le futur Pie XII.

Nous lisons sous la plume de l'un de ses apologistes, le R.P. jésuite Fernesolle :

« Le 28 mai (1917), Mgr Pacelli présentait ses lettres de créance au roi de Bavière... Il multiplia les démarches auprès de Guillaume Il et du chancelier Bethmann-Holveg. Le 29 juin, Mgr Pacelli était solennellement reçu au grand quartier général de Kreuznach par l'empereur Guillaume Il ». (17)

Le futur pape préludait ainsi à ses douze années de nonciature à Munich, puis à Berlin, durant lesquelles il allait multiplier les intrigues pour renverser la République allemande d'après la défaite et préparer, en hissant Hitler au pouvoir, la revanche de 1939.

Pourtant, lorsque les Alliés signèrent, en juillet 1919, le traité de Versailles, ils étaient si bien conscients du rôle joué par le Vatican pendant le conflit, qu'ils l'avaient soigneusement écarté de la table de conférence. Et, chose remarquable, c'était l'Etat le plus catholique, l'Italie, qui avait exigé cette exclusion.

« Par l'article XV du pacte de Londres (26 avril 1915), qui réglait la participation de l'Italie à la guerre, le baron Sonnino avait obtenu des autres Alliés que ceux-ci s'opposeraient à toute intervention de la papauté dans les travaux de la paix ». (18)

La mesure était sage, mais insuffisante. Faute d'avoir appliqué au Saint-Siège, boutefeu de la première guerre mondiale, les sanctions qu'il méritait, les vainqueurs laissaient le champ libre aux intrigues vaticano-jésuites qui allaient déclencher vingt ans plus tard une catastrophe encore pire, la plus terrible peut-être que le monde ait connue.

2. PREPARATION DE LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE

En 1919, les fils de Loyola recueillaient les fruits amers de leur politique criminelle. La France n'avait pas succombé à la « bonne saignée ». L'empire apostolique des Habsbourg, qu'ils avaient poussé à « châtier les Serbes », s'était désintégré, libérant ainsi les Slaves orthodoxes du joug de Rome. La Russie, bien loin de rentrer au giron de l'Eglise romaine, était devenue marxiste, anticléricale et officiellement athée. Quant à l'invincible Allemagne, pièce maîtresse de la grande machination, elle sombrait dans le chaos.

Mais il n'est pas dans la nature de l'orgueilleuse Compagnie de faire son « mea culpa ». Quand Benoît XV meurt, en 1922, elle est prête à recommencer sur de nouvelles bases. N'est-elle pas toute-puissante à Rome ?

Ecoutons M. Pierre Dominique

« Sur l'instant, le nouveau pape Pie XI court au plus pressé. On le dit Jésuite. C'est à un Jésuite, le Père d'Herbigny, qu'il confie la mission d'aller en Russie, de tâcher de rallier ce qu'il peut rester là-bas de catholicité et, surtout, de voir ce qu'on pourrait faire. Vague et grand espoir . rallier au pontife le monde orthodoxe persécuté.

« Il y a dans Rome trente-neuf collèges ecclésiastiques dont la fondation marque la date des grandes contre-offensives qui, pour la plupart, sont jésuitiques d'allure et de commandement. Collège germanique (1552) anglais (1578) irlandais (1628, refondu en 1826) écossais (1600) nord-américain (1859) ; canadien (1888) ; éthiopien (1919, reconstitué en 1930).

« Pie XI fonde le collège russe (Ponteficio collegio russo di S. Teresa del Bambino Gesù) et le confie à la Compagnie de Jésus. Elle aura aussi l'Institut oriental, l'Institut de Saint-Jean Damascène, le Collège polonais, plus tard le Collège lithuanien. Souvenirs du Père Possevino, d'Ivan le Terrible, du faux Dimitri ? Le second des trois grands objectifs du temps d'Ignace passe au premier plan. Les Jésuites, une fois de plus, sont, dans cette grande entreprise, des inspirateurs et des exécutants ». (19)

Dans la défaite qu'ils viennent d'essuyer, les fils de Loyola voient briller une lueur d'espoir. La Révolution russe, en supprimant le Tsar, protecteur de l'Eglise orthodoxe, n'a-t-elle pas décapité la grande concurrente et facilité la pénétration de l'Eglise romaine ? Il faut sauter sur l'occasion. Et c'est la création du fameux «Russicum », dont les missionnaires clandestins iront porter la bonne parole en cette terre schismatique (19 bis). Un siècle après leur expulsion par le tsar Alexandre 1er, les Jésuites vont reprendre la conquête du monde slave. Leur général, depuis 1915, se nomme Halke von Ledochowski.

M. Pierre Dominique poursuit ainsi:

« Dira-t-on que je les vois partout ? Je suis bien obligé de signaler leur présence, leur action. De dire qu'ils étaient derrière la monarchie d'Alphonse XIII dont le confesseur était le Père Lopez, que, la monarchie espagnole à bas, leurs couvents et leurs collèges incendiés, ils se retrouvent derrière Gil Robles, puis, la guerre civile survenue, derrière Franco. Au Portugal, ils soutiennent Salazar. En Autriche et en Hongrie, l'empereur Charles, balayé trois fois, (quel rôle ont-ils joué dans ces tentatives pour remonter sur le trône de Hongrie ?) ils tiennent la place chaude et ils ne savent trop qui ou quoi. Mgr Seipel, Dolfuss, Schussnigg sont des leurs. Ils rêvent un instant d'une grande Allemagne à majorité catholique dont les Autrichiens feraient nécessairement partie, formule moderne de la vieille alliance du XVI' siècle entre les Wittelsbach et les Habsbourg. En Italie, ils soutiennent d'abord don Sturzo, le fondateur du parti populaire, puis Mussolini ... Le Père jésuite Tacchi Venturi, secrétaire général de la Compagnie, sert d'intermédiaire entre Pie XI dont les confesseurs sont le Père Alissiardi et le Père Celebrano (Jésuites), et Mussolini.

«Le pape, en février 1929, à l'instant du traité du Latran appelle Mussolini « l'homme que la Providence nous a fait rencontrer ». Rome ne condamne pas ce que la S.D.N. appelle « l'agression éthiopienne » et, en 1940, le Vatican est encore le cordial ami de Mussolini.

« La papauté, depuis Mussolini, a son coin de terre libre de toute surveillance, entièrement dégagé des prises du temporel... C'est, avec Moscou, l'observatoire le plus beau du monde parce que le plus nourri de renseignements et le mieux protégé contre les fuites.

« Les Jésuites y ont leur coin secret. De là, ils considèrent l'Eglise universelle de l'oeil froid du politique ». (20)

C'est un parfait résumé de l'action jésuitique entre les deux guerres mondiales. Le « coin secret » des fils de Loyola constitue le cerveau politique du Vatican. Les confesseurs de Pie XI sont Jésuites ; ceux de son successeur Pie XII le seront aussi et, de plus, allemands. Peu importera, alors, que la trame devienne visible tout sera prêt pour la revanche, à ce qu'il semblera.

Mais sous le pontificat de Pie XI, c'est la période préparatoire. Le « bras séculier » germanique, vaincu, a laissé choir le glaive. En attendant qu'on puisse le lui remettre dans la main, on va préparer en Europe un terrain favorable à ses futurs exploits, et d'abord arrêter la poussée démocratique menaçante.

L'Italie sera le premier champ d'action. Il y a là un chef socialiste tumultueux qui groupe autour de lui les anciens combattants. L'homme professe une doctrine apparemment intransigeante, mais il est ambitieux et assez lucide pour mesurer la faiblesse de sa position, en dépit de ses rodomontades.

La diplomatie jésuitique aura tôt fait de le gagner à ses projets.

Ecoutons M. François Charles-Roux, de l'Institut, à cette époque notre ambassadeur auprès du Vatican :

« Alors que le futur Duce n'était encore que simple député, le cardinal Gasparri, secrétaire d'Etat, avait eu avec lui une entrevue secrète.. Le chef fasciste s'était d'emblée montré disposé à reconnaître au pape une souveraineté temporelle sur une parcelle de Rome...

« A ces mots, concluait le cardinal Gasparri en me rapportant ce dialogue, à ces mots je compris qu'avec cet homme-là, s'il arrivait au pouvoir, l'on pourrait aboutir ».

« Je passe sur ce qu'il rapportait de la négociation entre mandataires secrets de Pie XI et de Mussolini... ». (21)

Ces mandataires secrets, dont le principal était le Père jésuite Tacchi Venturi, remplirent fort bien leur mission. Et l'on ne peut s'en étonner puisque le Père Tacchi Venturi était à la fois secrétaire de la Compagnie de Jésus et confesseur de Mussolini. Au reste, il ne laissait pas d'être dirigé, dans cette « captation » du chef fasciste, par le général de son Ordre, le T.R.P. Halke von Ledochowski, comme l'a montré M. Gaston Gaillard. (22)

« Le 16 novembre 1922, la Chambre devait accorder sa confiance à Mussolini, par 306 voix contre 116, et à cette séance l'on devait voir le groupe catholique (de don Sturzo), soit disant démocrate-chrétien, voter à l'unanimité pour le premier gouvernement fasciste ». (23)

Dix ans plus tard, la même manoeuvre amenait en Allemagne le même résultat. Le « Zentrum » catholique de Mgr Kass assurait par son vote massif la dictature du nazisme.

En somme, en 1922, l'Italie avait servi de banc d'essai pour la nouvelle formule de conservatisme autoritaire : le fascisme, plus ou moins paré, selon les opportunités locales, d'un pseudo-socialisme. Désormais, tous les efforts des Jésuites du Vatican vont tendre à répandre en Europe cette « doctrine », dont l'ambiguïté porte si bien leur marque.

Aujourd'hui même, ni l'écroulement du régime mussolinien, ni la défaite, ni les ruines, n'ont suffi à discréditer aux yeux des démocrates chrétiens d'Italie le dictateur mégalomane que le Vatican sut imposer à leur pays. Renié du bout des lèvres, il a gardé tout son prestige au fond des âmes cléricales. Ainsi a-t-on pu lire dans la presse l'information suivante .

«C'est décidé : les visiteurs qui viendront assister aux Jeux Olympiques de Rome, en 1960, verront l'obélisque de marbre élevé par Benito Mussolini à sa propre gloire dominer, des bords du Tibre, le stade olympique.

« Ce mémorial de trente-trois mètres de haut porte l'inscription « Mussolini-Dux » et s'orne de mosaïques et d'inscriptions célébrant le fascisme. La phrase Longue vie au Duce » s'y étale plus de cent fois et le slogan « Beaucoup d'ennemis signifie beaucoup d'honneur » s'y répète à plusieurs reprises. Le monument est flanqué de part et d'autre par des blocs de marbre commémorant les principaux événements du fascisme, à partir de la fondation du journal « Popolo d'Italia », par Mussolini, jusqu'à l'établissement de l'éphémère empire fasciste, en passant par la guerre d'Éthiopie. L'obélisque devait être couronné d'une gigantesque statue de Mussolini en athlète nu, de près de cent mètres de haut. Mais le régime s'effondra avant que cet étrange projet ait pu être réalisé.

« Au bout d'un an de controverse, le gouvernement « Segni vient de décider que l'obélisque du duce resterait sur place. » (24)

Peu importent la guerre, le sang répandu à torrents, les larmes et les ruines. Ce ne sont que vétilles, petites taches sur le monument élevé à la gloire de « l'homme que la providence nous a fait rencontrer », comme le désignait Pie XI.

Ni fautes, ni erreurs, ni crimes ne peuvent effacer son mérite essentiel : celui d'avoir rétabli le pouvoir temporel du pape, proclamé religion d'Etat le catholicisme romain et donné au clergé, par des lois toujours en vigueur, la haute main sur la vie nationale.

C'est pour en témoigner aux yeux admiratifs, ou ironiques des visiteurs étrangers, que l'obélisque mussolinien doit continuer de se dresser au coeur de Rome - en espérant des temps meilleurs qui permettraient d'y ériger l' « athlète nu » de cent mètres de haut, champion symbolique du Vatican.

Le traité du Latran, par lequel Mussolini payait sa dette de reconnaissance à la papauté, reconnaissait au Saint-Siège, outre le versement de 1 milliard 750 millions de lires, la souveraineté temporelle sur le territoire de la Cité du Vatican. Mgr Cristiani, prélat de Sa Sainteté, s'exprime en ces termes sur la portée de cet événement :

« Il est clair que la Constitution de la Cité du Vatican revêtait une importance de premier ordre pour établir la condition de la papauté en tant que puissance politique ». (25)

Ne nous attardons pas à rechercher comment cet aveu formel peut se concilier avec l'affirmation tant de fois répétée que « l'Eglise romaine ne fait pas de politique ». Remarquons seulement la position unique dans le monde, d'un Etat de nature équivoque, à la fois profane et sacrée, et les conséquences qui en découlent.

Par quel artifice jésuitique, cette puissance arguant tantôt de son caractère temporel, tantôt de son caractère spirituel, selon ses intérêts, échappe-t-elle en fait à toutes les contraintes et à toutes les règles reconnues par le droit international ?

Les nations se sont pourtant prêtées à cette duperie et, ce faisant, ont introduit de leurs propres mains dans leur sein le cheval de Troie du cléricalisme.

« On avait un peu trop l'impression que le pape s'identifiait avec les dictateurs » (26) a écrit M. François Charles-Roux, ambassadeur de France auprès du Vatican. Mais pouvait-il en être autrement, alors que le Saint-Siège lui-même avait hissé ces hommes au pouvoir ?

Mussolini, le prototype, n'avait fait qu'inaugurer la série de ces personnages « providentiels », de ces porte-glaives qui allaient reprendre la partie perdue en 1918. D'Italie, où il a si bien réussi, par les soins du Père jésuite Tacchi Venturi et de ses acolytes, le fascisme va être exporté sans retard en Allemagne. « Hitler reçoit son impulsion de Mussolini ; l'idéal des nazis n'est qu'un idéal italianisant... Depuis que Mussolini est au pouvoir, toutes les sympathies sont pour Berlin... En 1923, son fascisme fusionne avec le national-socialisme ; et il lie amitié avec Hitler à qui il fournit armes et argent ». (27)

A cette époque, Mgr Pacelli, futur Pie XII, et, pour l'heure, le meilleur diplomate de la Curie, est nonce à Munich, capitale de la catholique Bavière, et c'est là que commence à monter l'étoile du futur dictateur allemand, catholique lui-même, ainsi que ses principaux partisans. De ce pays, berceau du nazisme, M. Maurice Laporte nous dit : « Ses deux ennemis s'appellent le protestantisme et la démocratie ».

Aussi comprend-on l'inquiétude de la Prusse à son endroit:

« Mais on devine aussi de quelles tendresses spéciales le Vatican couve cette Bavière où le national-socialisme d'Hitler recrute ses plus forts contingents ». (28)

Enlever à la Prusse « hérétique » la direction du « bras séculier » allemand, la transmettre à la Bavière catholique, quel beau rêve ! Mgr Pacelli s'emploie à le réaliser, de concert avec le chef de la Compagnie de Jésus.

« Au lendemain de l'autre guerre (1914-1918), le général des Jésuites, Halke von Ledochowski, avait conçu un vaste plan... pour la création, avec ou sans empereur Habsbourg, d'une fédération des nations catholiques de l'Europe centrale et orientale : Autriche, Slovaquie, Bohême, Pologne, Hongrie, Croatie, et aussi, et c'est capital, la Bavière.

« Ce nouvel Empire central devait lutter sur deux fronts : à l'Est contre l'Union soviétique, à l'Ouest contre la Prusse et la Grande-Bretagne protestante et contre la France républicaine et laïque. A cette époque, Mgr Pacelli, futur Pie XII, était nonce à Munich, puis à Berlin, et intime du cardinal Faulhaber, principal collaborateur de von Ledochowski. Le plan Ledochowski a été le rêve de jeunesse de Pie XII ». (29)

Mais n'y eut-il là qu'un rêve de jeunesse ? La Mittel-Europa qu'Hitler tenta de constituer ne différait guère de ce plan, sinon par la présence dans ce bloc de la Prusse luthérienne, minorité peu dangereuse, et par les « zones d'influence » reconnues - provisoirement peut-être - à l'Italie. En somme, c'était bien le plan Ledochowski, adapté aux nécessités du moment, que le futur Führer allait s'efforcer de réaliser, sous le haut patronnage du Saint-Siège, avec le concours de Franz von Papen, camérier secret du pape, et du nonce à Munich, puis à Berlin, Mgr Pacelli.

M. François Charles-Roux écrit d'ailleurs:

« Il n'est pas, à l'époque contemporaine, de période où le facteur catholique ait joué un plus grand rôle, dans la politique mondiale, que pendant le ministère du cardinal Pacelli » (30)

Nous lisons encore sous la plume de M. Joseph Rovan :

« La Bavière catholique... va maintenant accueillir et protéger tous les semeurs de trouble, tous les ligueurs, tous les assassins de la Sainte-Vehme ». (31)

Parmi ces agitateurs, le choix des « régénérateurs » de l'Allemagne se portera bientôt sur Hitler, destiné, à triompher des « erreurs démocratiques » sous le gonfalon du Saint-Père. Il va de soi que c'est un catholique, comme ses principaux collaborateurs.

« Aussi bien le régime naziste représente-t-il un retour au pouvoir de l'Allemagne méridionale. Les noms de ses chefs et leurs origines le démontrent . Hitler est spécifiquement autrichien, Goering est bavarois, Goebbels rhénan, et ainsi de suite ». (32)

En 1924, le Saint-Siège signe un Concordat avec la Bavière. En 1927, on peut lire dans « La Gazette de Cologne » -

« Pie XI est certainement le plus allemand des papes qui ait trôné sur le siège de Saint-Pierre ».

Son successeur Pie XII lui ravira cependant cette palme. Mais, pour l'heure, il poursuit sa carrière diplomatique - ou, pour mieux dire, politique - dans cette Allemagne pour laquelle, devait-il confier plus tard à Ribbentrop, « son coeur battrait toujours ».

Promu nonce à Berlin, il travaille, avec Franz von Papen à détruire la République de Weimar. Le 20 juillet 1932, l'état de siège est proclamé à Berlin, et les ministres expulsés « manu militari ». C'est la première étape vers la dictature hitlérienne. On prépare de nouvelles élections qui doivent consacrer le succès des nazis.

« Avec l'approbation d'Hitler, Goering et Strasser entrèrent en conversation avec Mgr Kaas, chef du parti du Centre catholique ». (33)

Le cardinal Bertram, archevêque de Breslau et primat d'Allemagne, peut bien déclarer : « Nous, chrétiens et catholiques, lie reconnaissons pas de religion de race... ». Il peut bien, avec maints autres évêques, mettre en garde les fidèles contre l'idéal « païen des nazis ». Ce prélat, évidemment, n'entendait rien à la politique papale. On le lui fit bien voir.

Relisons l'excellente étude parue dans le « Mercure de France » en 1934 :

« Au début de l'année 1932, les catholiques allemands lie considéraient nullement la partie comme perdue, mais an printemps, on put remarquer chez leurs chefs un certain flottement : c'est qu'on leur avait fait savoir que «le pape était personnellement favorable à Hitler ».

« Que Pie XI éprouvât de la sympathie pour Hitler voilà qui ne doit pas nous surprendre... Pour lui, l'Europe ne peut retrouver son équilibre que dans l'hégémonie de l'Allemagne... Au Vatican, on avait, pendant longtemps, pensé, en effet, à changer le centre de gravité du Reich grâce à l'Anschluss : la Compagnie de Jésus travaillait ouvertement dans ce sens (plan Ledochowski), surtout en Autriche. Or, l'on sait à quel point Pie XI compte sur elle pour faire triompher ce qu'il appelle « sa politique ». Ce qu'on voulait empêcher, c'était l'hégémonie de la Prusse protestante et, puisque l'on comptait sur le Reich pour dominer l'Europe... ou cherchait à reconstituer un Reich où les catholiques fussent les maîtres...

« Dès mars 1933, réunis à Fulda, les évêques allemands profitèrent du discours de Hitler à Potsdam pour déclarer qu'il fallait « reconnaître que le plus haut représentant du gouvernement du Reich, qui est en même temps le chef autoritaire du mouvement national-socialiste, a fait des déclarations publiques et solennelles qui tiennent compte de l'inviolabilité (de la doctrine catholique, ainsi que de l'oeuvre et des droits immuables de l'Eglise...

« Von Papen part pour Rome. Cet homme au passé si lourd, transformé. en pieux pèlerin, est chargé, de conclure un Concordat (pour toute l'Allemagne) avec le pape. Lui aussi devra se conformer en tous points a la conduite de Mussolini (34).

En effet, le scénario ne varie pas. En Italie, le parti catholique de don Sturzo assure par son vote l'accession au pouvoir de Mussolini ; en Allemagne, c'est le « Zentrum » de Mgr Kaas qui remplit le même office pour Hitler - et chaque fois un Concordat scelle le pacte.

M. Joseph Rovan le constate en ces termes :

« Grâce à von Papen, député du « Zentrum » depuis 1920 et propriétaire du journal officiel du parti, la « Germania », le 30 janvier 1933 Hitler accédait au pouvoir...

« Le catholicisme politique allemand, au lieu de devenir démocratie chrétienne, sera inéluctablement amené le 26 mars 1933 à voter les pleins pouvoirs à Hitler... Pour le vote des pleins pouvoirs, une majorité des deux tiers était nécessaire et les voix du « Zentrum » constituaient un appoint indispensable » (35).

Le même auteur ajoute d'ailleurs plus loin:

« Sans cesse dans la correspondance et dans les déclarations des dignitaires ecclésiastiques nous trouverons, sous le régime nazi. l'adhésion fervente des évêques ». (36)

On s'explique cette ferveur, quand on lit sous la plume de von Papen que : « Les termes généraux du Concordat étaient plus favorables que ceux de toutes les conventions similaires signées par le Vatican », et aussi : « Le chancelier Hitler me pria d'assurer au secrétaire d'Etat papal (le cardinal Pacelli) qu'il musellerait immédiatement le clan des anticléricaux » (37).

Ce n'était pas là une vaine promesse. En cette année 1933, outre les pogroms et les assassinats perpétrés par les nazis, ou comptait déjà 45 camps de concentration en Allemagne avec 40.000 détenus d'opinions politiques diverses, mais invariablement libéraux. D'ailleurs, Franz von Papen, camérier secret du pape, a parfaitement défini le sens profond de l'accord vaticano-hitlérien, dans cette formule lapidaire : « Le nazisme est une réaction chrétienne contre l'esprit de 1789 ».

En 1937, Pie XI, sous la pression de l'opinion mondiale, pourra bien « condamner » les théories racistes comme inconciliables avec la doctrine et les principes catholiques, par ce que ses apologistes appellent assez plaisamment la « terrible » encyclique « Mit brennender Sorge ». Comme l'a si bien dit Tartufe « il est avec le ciel des accommodements ». Le racisme nazi est condamné, mais non pas Hitler, son promoteur : « distinguo ». Et le Vatican se garde bien de dénoncer l' « avantageux » Concordat conclu, quatre ans auparavant, avec le Reich nazi.

Cependant que la Croix du Christ et la Croix gammée coopéraient ainsi en Allemagne, le premier poulain de ]'écurie vaticane, Benito Mussolini, se lançait dans la conquête -- trop facile -- de l'Ethiopie, avec les bénédictions du Saint-Père.

« ... Le Souverain Pontife s'était abstenu de condamner la politique de Mussolini et avait laissé au clergé italien toute latitude de coopérer avec le gouvernement fasciste... Des ecclésiastiques, depuis des curés d'humbles paroisses jusqu'à des cardinaux, prirent la parole en faveur de la guerre.

«L'un des exemples les plus frappants en fut donné par le cardinal-archevêque de Milan, Alfredo Ildefonso Schuster (Jésuite), qui alla jusqu'à appeler la campagne en question « une croisade catholique » (38).

L'Italie précisa Pie XI, estimait cette guerre, justifiée par un pressant besoin d'expansion...

« Parlant, dix jours plus tard, devant un auditoire d'anciens combattants, Pie XI exprima le souhait qu'il soit accordé satisfaction aux légitimes revendications (Fun grand et noble peuple dont, rappela-t-il, il était lui-même issu ». (39)

L'agression fasciste contre l'Albanie, le vendredi saint 1939, bénéficiera de la même « compréhension ». C'est que nous dit M. Camille Cianfarra : « L'occupation italienne de l'Albanie présentait pour l'Eglise bien des avantages... Sur une population d'un million (]'Albanais qui devenaient sujets italiens, 6,8 170 étaient musulmans, 20 % de religion grecque orthodoxe et 12 % seulement appartenaient a l'Eglise catholique romaine Du seul point de vue politique, par conséquent, l'annexion du pays par une puissance catholique (levait sans aucun doute y améliorer la situation de et complaire au Vatican ». (40)

En Espagne, l'établissement de la république n'avait pas manqué d'être ressentie comme une offense personnelle par la Curie romaine. « Je ne me suis jamais risqué à parler à Pie XI de la question espagnole, écrit NI. François Charles-Roux. Il m'aurait probablement fait sentir que les intérêts (le I'Eglise (laits le grand pays historique qu'est l'Espagne étaient affaire de la papauté exclusivement ». (41)

Aussi cette « chasse gardée » devait-elle être bientôt pourvue d'un dictateur, sur le modèle qui avait déjà fait ses preuves en Italie et en Allemagne. L'aventure du général Franco ne commença qu'à la mi-juillet 1936, mais dès le 21 mars 1934 avait été scellé le « Pacte de Rome » entre Mussolini et les chefs des partis réactionnaires d'Espagne, notamment M. Goïcoechea, chef de la « Renovacion Espaniola ». Par ce pacte, le parti fasciste italien s'engageait à fournir aux rebelles argent, matériel de guerre, armes et munitions. On sait que les promesses faites furent tenues bien au-delà de cet engagement, et que Mussolini et Hitler ne cessèrent d'alimenter la rébellion espagnole en matériel, en aviation et en effectifs de « volontaires ».

Quant au Vatican, insoucieux de son propre principe, selon lequel les fidèles doivent le respect au gouvernement établi, il accablait celui-ci de ses foudres.

« Le pape excommunia les chefs de la République Espagnole et déclara la « guerre spirituelle » entre le Saint-Siège et Madrid. Ce fut l'Encyclique Dilectissimi Nobis... L'archevêque Goma, nouveau primat d'Espagne, proclama la guerre civile ». (42)

Les prélats de Sa Sainteté prenaient allègrement leur parti des horreurs de cette lutte fratricide, et Mgr Gomara, évêque de Carthagène, traduisait à merveille leurs sentiments apostoliques, en s'écriant : « Bénis soient les canons si, dans les brèches qu'ils ouvrent, fleurit l'Evangile ».

On vit même le Vatican reconnaître « de jure « le gouvernement de Franco, le 3 août 1937, soit vingt mois avant la fin de la guerre civile.

La Belgique, elle aussi, était l'objet des soins de l'Action catholique organisation éminemment ultra-montaine et jésuite, il va sans dire. Ne fallait-il pas préparer le terrain pour la prochaine invasion des armées du Führer ? Aussi, sous couleur de « rénovation spirituelle », l'évangile hitléro-fasciste y était-il assidûment prêché par Mgr. Picard, jésuite en service détaché, le Père Arendt, Jésuite, le Père Foucart, Jésuite, etc. C'est ce dont témoigne un jeune Belge qui fut, comme bien d'autres, leur victime :

« Nous étions déjà tous, à cette époque, travaillés par une sorte de fascisme... Il faut remarquer, en effet, que les milieux d'Action catholique auxquels je participais éprouvaient de vives sympathies pour le fascisme italien... Mgr Picard proclamait sur tous les toits, le génie de Mussolini et appelait un dictateur de tous ses voeux Par des pèlerinages, l'on favorisait d'ailleurs les contacts avec l'Italie et le fascisme.

« Lorsque, avec trois cents étudiants, je me, rendis en Italie, tout le monde au retour saluait à la romaine et chantait « Giovinezza » (43).

Un autre témoin dit encore :

« A partir de 1928, le groupe. de Léon Degrelle devait collaborer régulièrement avec Mgr Picard... Mgr Picard confia à Léon Degrelle une mission particulièrement importante, celle de diriger une nouvelle maison d'édition installée tu secrétariat d'Action catholique. Cette maison d'édition portait un nom qui devait rapidement devenir célèbre : elle s'appelait Rex...

« Les appels à un régime nouveau se multipliaient... On observait avec beaucoup d'intérêt les résultats de cette propagande en Allemagne. Dans un article d'octobre 1933. « Vlan » rappela que les nazis n'étaient que sept en 1919, et que Hitler ne leur avait apporté quelques années plus tard, d'autre (loi (tue son talent pour 1:1 publicité Fondée sur (les principes analogues, l'équipe rexiste commença a faire une propagande active dans le pays. Ses meetings réunirent vite quelques centaines, puis des milliers d'auditeurs. » (44)

A vrai dire, Hitler avait apporté au national-socialisme naissant, comme Mussolini au fascisme, beaucoup plus que des dons de batteur d'estrade : le soutien de la papauté.

Leur pâle copie, Léon Degrelle, chef de « Christus Rex», bénéficiait, on le voit, de ce même soutien - mais à des fins bien différentes, puisque son rôle, à lui, était d'ouvrir son pays à l'envahisseur.

Ecoutons encore M. Raymond de Becker:

« Je collaborai donc à « l'Avant-Garde »... Ce journal (publié par Mgr Picard) s'efforça de désolidariser la Belgique de la politique française et anglaise. » (45).

On sait avec quelle rapidité, les armées allemandes eurent raison de la défense, beige, trahie par la cinquième colonne cléricale. On se souvient peut-être aussi que l'apôtre de « Christus Rex », endossant l'uniforme allemand, s'en fut, à grand renfort de publicité, « combattre sur le front de l'Est », à la tête de ses Waffen SS « tête de mort », recrutés principalement parmi les Jeunesses d'Action catholique ; puis, qu'une retraite opportune lui permit de gagner l'Espagne. Mais, auparavant, il avait donné libre cours une dernière fois à ses sentiments « patriotiques ».

M. Maurice de Béhaut écrit:

« Il y a dix ans (en 1944), le port d'Anvers, le troisième en importance du monde entier, tombait quasi intact aux mains des troupes britanniques... Ait moment précis où la population entrevoyait la fin de ses souffrances et (le ses privations, fondit sur elle la plus diabolique des inventions nazies : les bombes volantes ou V1 et V2. Ce bombardement, le plus long de l'Histoire, puisqu'il devait durer plus de six mois de nuit et de jour, fut soigneusement caché, par ordre de l'état-major allié. C'est la raison pour laquelle on ignore encore généralement aujourd'hui le martyre de la ville d'Anvers - et aussi de Liège.

« Certains avaient entendu la veille (du premier bombardement - 12 octobre 1944) à la radio de Berlin les propos inquiétants du traître rexiste Léon Degrelle : « J'ai demandé à mon Führer, clamait-il, vingt mille bombes volantes. Elles châtieront un peuple imbécile. Elles feront d'Anvers une ville sans port ou un port sans ville, je vous le promets. »

« ... Dès ce jour, le rythme du bombardement n'allait cesser de s'accentuer, et les catastrophes allaient succéder aux désastres. Cependant que le traître Léon Degrelle s'égosillait à la radio de Berlin, promettant des cataclysmes bien plus terribles encore. » (.46.).

Tel fut le dernier adieu à sa patrie de ce monstrueux produit de l'Action catholique. Elève obéissant de Mgr Picard, Jésuite, du Père Arendt, Jésuite, etc., le chef de «Christus Rex» se conforma strictement aux directives papales..

« Les hommes d'Action catholique, écrivait Pie XI, manqueraient gravement à leur devoir si, dans la mesure de leurs moyens, ils ne contribuaient à diriger la politique de leur province, de leur pays. » (47)

Certes, Léon Degrelle ne manqua pas à ce devoir, et le résultat - on l'a vu - fut à proportion de son zèle.

On lit encore dans l'ouvrage de M. Raymond de Becker :

« L'Action catholique avait trouvé en Belgique des hommes exceptionnels pour orchestrer ses thèmes. Le premier d'entre eux était Mgr Picard... l'autre était le chanoine Cardijn, fondateur du mouvement jociste, personnage bilieux, rageur, illuminé... » (48)

Ce dernier jure aujourd'hui ses grands dieux qu'il n'a jamais « ni vu ni entendu » soir coéquipier Léon Degrelle. Ainsi, ces deux leaders de l'Action catholique belge, oeuvrant tous deux sous la houlette archiépiscopale du cardinal Van Roey, ne se seraient jamais rencontrés ? Par quel miracle ? C'est ce que ne dit pas l'ex-chanoine qui, depuis, a été fait Monsignor par Pie XII et s'est vu confier la direction des mouvements jocistes du monde entier.

Autre miracle : Mgr. Cardijn n'a pas davantage aperçu le compromettant chef de « Rex » lors de ce grand Congrès dont Degrelle parle en ces termes :

« Je me souviens du grand Congrès de la Jeunesse catholique qui eut lieu, en 1930, a Bruxelles. Je me tenais derrière Mgr Picard, qui se trouvait lui-même à côté du cardinal Van Roey. Il y avait deux heures que durait le défilé, un défilé formidable d'entrain : cent mille jeunes gens étaient passés, acclamant les ,autorités religieuses massées à la tribune... » (49)

Où donc se cachait alors le chef de la J.O.C., dont les troupes participaient à ce défilé gigantesque ? Avait-il été, exilé au sein des « autorités religieuses » ? Ou bien, par un décret spécial de la Providence, ces deux personnages étaient-ils condamnés à se coudoyer sans se voir, tant dans les tribunes officielles qu'au secrétariat de l'Action catholique, où ils fréquentaient assidûment ?

Mais Mgr. Cardijn, jésuite en service détaché, ne s'en tient pas là. Il prétend encore avoir « verbalement » combattu le rexisme.

Décidément, cette Action catholique était un étrange organisme ! Non seulement les chefs respectifs de la J.O.C. et de « Rex », deux de ses principaux « mouvements », y jouaient à cache-cache dans les couloirs, mais encore l'un d'eux pouvait « combattre », à ce qu'il dit, ce que l'autre faisait avec la haute approbation de la « hiérarchie » !

Car ou ne peut le contester : Degrelle fut mis à la tête de « Rex » par Mgr Picard lui-même sous l'autorité du cardinal Van Roey et du nonce apostolique Mgr Micara. Ainsi, à en croire le créateur de la J.O.C., il aurait vivement réprouvé les agissements d'un collègue d'Action catholique, patroné comme lui-même par le primat de Belgique, - et cela sans égard pour le nonce, son « protecteur et ami vénéré », aux dires de Pie XII» (50).

L'affirmation est un peu forte. On s'en aperçoit d'autant mieux, si l'on examine de près quelle était, après l'invasion de la Belgique par Hitler l'attitude de ceux qui, comme Mgr Cardijn et consorts, répudient aujourd'hui à l'envi Degrelle et le rexisme. Dans un livre qui fut mis « sous le boisseau » lors de sa parution, le chef de « Rex » lui-même a rafraîchi les mémoires de la façon que l'on va voir, et ses dires, à notre connaissance, n'ont jamais été démentis.

« Chrétien fervent, connaissant les interpénétrations du spirituel et du temporel, je n'eusse pas voulu m'engager dans la voie de la collaboration (avec Hitler) sans avoir consulté, au préalable, les autorités religieuses de mon pays... J'avais demandé à Son Eminence le cardinal Van Roey de nie recevoir... Le cardinal me reçut aimablement, un matin, à son palais épiscopal de Malines... Il est animé par un fanatisme élémentaire, total, cyclonal... En d'autres siècles, il eût, en chantant le « Magnificat », passé les infidèles au fil de l'épée, grillée ou laissé choir dans des in-pace les brebis capricantes de son troupeau. Au XXe siècle, il ne dispose plus que de la crosse, mais il lui fait faire une fameuse besogne. Tout à ses yeux, ne présentait de réelle importance - heureuse, à soutenir ; néfaste, à broyer - que dans la mesure où cela servait ou desservait l'intérêt de l'Eglise sous ses multiples formes : oeuvres, partis, journaux, coopératives agricoles (Boerenbond), institutions bancaires, en cela qu'elles assuraient la puissance temporelle de l'institution divine....

« Et là, franchement, honnêtement, je suis sûr de ne pas déformer les propos du cardinal en disant que la collaboration lui apparaissait alors comme une ligne de conduite absolument normale, la seule même qui pût venir à l'esprit d'an être sensé. Il n'envisagea pas un seul instant, devant moi, durant tout l'entretien, qu'une autre attitude fût simplement possible. Pour le cardinal, la guerre, à l'automne de 1940, était finie. Il ne prononça même pas le nom des Anglais, n'émit même pas la supposition qu'un redressement allié fût imaginable... le cardinal ne pensait même pas qu'une autre solution que la collaboration fût, politiquement concevable... il ne trouva absolument rien à objecter - pas un mot, pas un geste - à l'exposé de mes conceptions et de mes projets... Il eût pu - il eût dû - s'il jugeait que je m'égarais politiquement, me mettre en garde, puisque j'étais venu lui demander conseil... Avant mon départ, le cardinal me donna paternellement sa bénédiction...

« D'autres catholiques que moi regardèrent, à l'automne 1940, vers la puissante tour noire de Sain-Rombaut... Nombreux furent ceux qui pénétrèrent alors au palais épiscopal, afin de consulter Mgr Van Roey ou son entourage immédiat sur la moralité, l'utilité ou la nécessité de la collaboration...

« Plus de mille bourgmestres catholiques, tous les secrétaires généraux, pourtant triés sur le volet, s'adaptèrent sans retard à l'Ordre nouveau... Imagine-t-on que tous ces braves gens, emprisonnés en très grand nombre en 1944, ou accablés d'avanies, ne s'étaient pas demandé en 1940 : Que pense Malines ? A qui fera-t-on croire que, à Malines même, ou par les évêchés, ou par leurs curés, ils n'avaient pas reçu les apaisements désirables ?

« Les huit dixièmes des collaborationnistes belges étaient des catholiques...

« A nul d'entre eux, pas plus qu'à moi, Malines ou les divers évêchés, durant ces semaines décisives par leur choix, ne donnèrent d'avis négatifs, soit écrits, soit verbaux ».

« Telle est, qu'elle plaise ou non,, la vérité toute nue. L'attitude prise par le haut clergé catholique à l'étranger ne pouvait que renforcer la conviction des fidèles que la collaboration était parfaitement compatible avec la foi.. A Vichy, les plus hauts prélats de France se faisaient photographier aux côtés du Maréchal Pétain et de Pierre Laval, après l'entrevue Pétain-Hitler. A Paris, le cardinal Baudrillart se déclarait publiquement collaborationniste.

« En Belgique même, le Cardinal Van Roey admettait parfaitement qu'un des prêtres les plus célèbres de la Flandre - son plus grand intellectuel catholique -- l'abbé Verschaeve, déclarât, le 7 novembre 1940, au cours d'une séance solennelle dans l'amphithéâtre du Sénat, en présence d'un général allemand, le président Raeder :

« C'est la tâche du Conseil culturel de jeter le pont qui reliera la Flandre à l'Allemagne.... »

« Le 29 mai 1940, au lendemain de la capitulation, le cardinal Van Roey avait représenté l'invasion comme une espèce de cadeau du ciel :

« Soyons persuadés, avait-il écrit aux fidèles, que nous assistons en ce moment à une action exceptionnelle de la divine Providence qui manifeste sa puissance par des événements énormes ».

« Finalement, Hitler apparaissait presque comme l'instrument purificateur, châtiant providentiellement les Belges ». (51)

On connaît le refrain : chez nous, à la même époque, c'était « la défaite plus féconde qu'une victoire », comme, avant 1914, on appelait pieusement sur la France « la bonne saignée » purificatrice.

Plus loin, dans ce mémorial tombé - ou plutôt jeté - aux oubliettes, on trouve de fort intéressants détails sur le « Boerenbond, la grande machine catholico-politico financière du cardinal Van Roey. Celle-ci finançait largement la section flamande de l'Université de Louvain... ». (52)

« La société de presse « Standaard » fit tourner à plein rendement ses rotatives, publiant en relief les appels les plus collaborationnistes du V. N. V. (Vlaamsch Nationalist Verbond). L'affaire, très rapidement, roula sur l'or... Catholiques deux cents pour cent, piliers de l'Eglise en Flandre, il est fort probable que ces dirigeants (du Standaard) ne se fussent pas lancés dans la collaboration sans que le cardinal leur donnât une approbation préalable, claire et nette.

« Même remarque à propos de tout le faisceau de « presse catholique... » (53).

Tous ces efforts ne tendaient à rien de moins qu'au démembrement de la Belgique, comme le rappelle un autre écrivain catholique, M. Gaston Gaillard :

« Les Catholiques flamingants, comme les Catholiques autonomistes Alsaciens, justifiaient leur attitude par l'appui tacite que le Saint-Siège avait toujours donné à toutes les propagandes germaniques. Lorsqu'ils se reportaient à la lettre mémorable adressée par Pie Xi à son secrétaire d'Etat, le cardinal Gaspari (le 26 juin 1923 ils étaient facilement convaincus que leur politique ne pouvait qu'avoir l'agrément de Rome et Rome ne faisait rien pour les en dissuader. Le nonce Pacelli (futur Pie XII) n'avait-il pas soutenu habilement les nationalistes allemands et prodigué les encouragements aux populations dites « opprimées » de la Haute-Silésie ; les menées autonomistes d'Alsace, d'Eupen-Malmédy et de Silésie n'avaient-elles pas reçu des approbations ecclésiastiques qui n'avaient pas toujours été discrètes ? Il était facile aux flamingants de prendre prétexte de ces faits pour abriter leurs agissements contre l'unité belge derrière les directives romaines... ». (54)

De même en 1942 le Pape Pie XII faisait transmettre à Paris ses condoléances pour la mort du Cardinal Baudrillart par sa Nonciature de Berlin, signifiant ainsi qu'il considérait comme acquise l'annexion par l'Allemagne du Nord de la France. Et l'on voit qu'il ne faisait par là que confirmer une fois de plus cet « appui tacite » que le Saint-Siège, et lui-même en particulier, avaient toujours donné à l'expansion germanique.

Aussi ne peut-on que sourire - non sans mépris quand on voit aujourd'hui les Jésuites de Sa Sainteté ergoter misérablement sur une pareille évidence, et répudier toute complicité avec la cinquième colonne qu'ils avaient si bien mise en place, et Degrelle en particulier. Pour celui-ci --- dans sa retraite dont on aurait garde de le tirer, car il sait trop de choses - il peut se remémorer à loisir le fameux distique d'Ovide : « Donec eris felix, multos numerabis amicos. Tempora si fuerint nubila, solus eris » (55).

Ce n'est pas sans une surprise amusée qu'on lit sous la plume du R.P. Fessard (Jésuite) :

« En 1916 et 1917, avec quelle impatience attendions-nous les renforts américains ! En 1939, avec quelle tristesse nous fallait-il constater que, même après la déclaration de guerre, Hitler était regardé avec bienveillance par une bonne partie de l'opinion américaine, même sinon surtout, catholique ! Et en 1941 et 1942, nous nous demandions à nouveau si les Etats-Unis interviendraient ou non ». (56)

Ainsi le bon Père - à l'en croire - constatait « avec tristesse » les résultats obtenus en Amérique par ses propres frères en Loyola ? Car, le finit est historique, le « Front chrétien », mouvement catholique opposé à l'intervention des Etats-Unis, était dirigé par le Père Jésuite Coughlin, pro-hitlérien notoire,.

« Rien ne manquait à cette pieuse organisation qui recevait de Berlin un copieux matériel de propagande mis au point par les services de Goebbels.

« Par son journal « Social Justice » et par ses émissions radiophoniques le Père Jésuite Coughlin, l'apôtre de la croix gammée, atteignait un vaste public. Il entretenait, au surplus, dans les principaux centres urbains, des cellules de choc, secrètes, il va sans dire, comme il convient aux fils de Loyola, et entraînées par des agents nazis ». (57)

Urie pièce secrète de la Wilhelmstrasse donne la précision suivante :

« Il n'est pas sans intérêt pour caractériser l'évolution des Etats-Unis dans le domaine de l'antisémitisme, de savoir que les auditeurs du prêtre de la radio, le Père Coughlin, bien connu pour son antisémitisme, dépassent 20 millions ». (58)

Faut-il rappeler aussi l'action du Père jésuite Walsh, chargé de missions par le pape, doyen de l'Ecole des sciences politiques de l'Université de Georgetown, pépinière jésuitique de la diplomatie américaine - et zélé propagandiste de la géopolitique allemande ?

En ce temps-là, le général de la Compagnie de Jésus se trouvait être, comme par hasard, Halke von Ledochowski, ex-général dans l'armée autrichienne, (lui avait succédé en 1915 à Wernz, un Prussien.

Le R. P. Fessard a-t-il également oublié ce qu'écrivait « La Croix », durant toute la guerre, et notamment ceci :

« Nous n'avons rien de bon à attendre d'une intervention des troupes d'Outre-Manche et d'Outre-Atlantique ». (59)

Ne se souvient-il pas non plus de ce télégramme de S.S. Pie XII : < Le pape envoie sa bénédiction à La Croix, organe de la pensée pontificale ». (60)

De tant d'oublis, faut-il déduire qu'on a la mémoire courte dans la Compagnie de Jésus ? C'est pourtant un reproche que ses ennemis même ne lui ont jamais adressé. Observons plutôt que le R.P. Fessard nous confie en 1957 seulement ses patriotiques angoisses de 1941-1942 * En quinze ans, ses « libres méditations» n'ont sans doute pas été vaines, et il a eu tout loisir (le relire tel passage des « Exercices spirituels » qui prononce que « le Jésuite doit se déclarer prêt, si l'Eglise affirme que ce qu'il voit noir est blanc, à dire comme elle, quand même ses sens le convaincraient du contraire » (61).

A ce compte, le R.P. Fessard nous paraît être un excellent Jésuite.

Le 7 mars 1936, Hitler faisait avancer la Wehrmacht en Rhénanie démilitarisée, déchirant ainsi le pacte de Locarno. Le 11 mars 1938, c'était l'Anschluss (réunion de l'Autriche à l'Allemagne) ci le 29 septembre de la même année, à Munich, la France et l'Angleterre se laissaient imposer l'annexion par Ie Reich du Territoire des Sudètes, en Tchécoslovaquie

Il y avait cinq ans seulement (lue le Führer avait pris le pouvoir, grâce aux votes du « Zentrum », catholique, et déjà se trouvaient réalisé',-, en grande partie les objectifs cyniquement dévoilés . dans « Mein Kampf », cet audacieux défi lancé aux démocraties occidentales, sous la signature d'Hitler, par le, Père jésuite Staempfle. « c'est la Compagnie de Jésus qui mit au point le fameux programme pangermaniste développé dans cet ouvrage, dont le Führer endossa la paternité.

3. LES AGRESSIONS ALLEMANDES ET LES JESUITES

Voyons comment l'Anschluss fut préparé :

Il faut se souvenir que, par un synchronisme vraiment « providentiel, alors que Mussolini s'emparait du pouvoir en Italie grâce à don Sturzo, Jésuite, chef du parti catholique, Mgr Seipel, Jésuite devenait chancelier d'Autriche. Il le demeura jusqu'en 1929, avec un interrègne de deux ans, et ce fut pendant ces années décisives qu'il engagea la politique intérieure autrichienne dans la voie réactionnaire et cléricale où ses successeurs le suivirent, et qui devait aboutir à la résorption du pays dans le bloc allemand. La répression sanglante des soulèvements ouvriers lui valut le sobriquet de « Keine Milde Kardinal» : le Cardinal Sans-Merci.

« Dès les premiers jours de mai (1936), von Papen entama le., pourparlers secrets en prenant le Dr Schussnigg (chancelier d'Autriche) par son point faible : il lui fit valoir les avantages d'une réconciliation avec Hitler, du point de vue des intérêts du Vatican. L'argument peut paraître fantaisiste, mais Schussnig était dévot et von Papen, chambellan du pape » (62).

Ce fut en effet -- on lie saurait s'en étonner - le camérier secret - chambellan qui mena toute l'affaire, laquelle aboutit, le 11 mars 1938, à la démission du pieux Schussnigg (élève des Jésuites) ait bénéfice de Seyss-Inquart, chef des nazis autrichiens. Le lendemain, les troupes allemandes franchissaient la frontière et le gouvernement fantoche de Seyss-Inquart proclamait la réunion de l'Autriche au Reich Evénement salué par une déclaration enthousiaste de l'archevêque de Vienne : le cardinal Innitzer (jésuite).

« Le 15 mars, la presse allemande publiait la déclaration suivante du cardinal Innitzer :

«Les prêtres et les fidèles doivent soutenir sans réserve l'Etat grand-allemand et le Führer, dont la latte pour la puissance, l'honneur et la prospérité de l'Allemagne répond aux vues de la Providence ». _

« L'original de cette déclaration était reproduit cil fac-similé dans ](,,;journaux., pour qu'il n'y ait pas de doute sur son authenticité La reproduction en était affichée sur les murs (le Vieillie et dans les autres villes d'Autriche, Le cardinal Innitzer avait fait précéder sa signature, (les mots suivants, écrits de sa main : « Und heil Hitler ! -

« Trois jours après paraissait une lettre pastorale, adressée par l'épiscopat autrichien tout entier à ses diocésains les journaux italiens en publièrent le texte le 28 mars c'était une plate adhésion au régime nazi et un hymne à sa gloire ». (63)

Le cardinal Innitzer le plus haut représentant de l'Eglise romaine en Autriche, écrivait même dans sa déclaration :

« J'invite les chefs des organisations de jeunesse à préparer leur union aux organisations du Reich allemand ». (64)

Ainsi, non seulement le cardinal-archevêque de Vienne, suivi de son épiscopat, se ralliait à Hitler avec un enthousiasme ostentatoire, mais encore il livrait les jeunesses « chrétiennes » au dressage conçu selon la doctrine nazie, laquelle demeurait « officiellement condamnée » par la « terrible » encyclique « Mil brennender Sorge » !

« Le Mercure de France » observait alors fort justement :

« ... Ces évêques n'ont pas pris d'eux-mêmes une décision qui engage l'Eglise tout entière, et c'est le Saint-Siège qui leur a dicté une ligne de conduite à laquelle ils n'ont fait que se conformer ». (65)

C'est l'évidence. Mais quelle autre « ligne de conduite » aurait-on pu attendre de ce Saint-Siège qui avait porté au pouvoir Mussolini, Hitler, Franco, et avait suscité en Belgique le « Christus-Rex » de Léon Degrelle ?

« On comprend, dès lors, les auteurs anglais F.A. Ridley, Secker et Warburg, qui reprochent à la politique de Pie XI d'avoir favorisé partout les mouvements fascistes ». (66)

En ce qui concerne l'Anschluss, M. François Charles-Roux nous dit pourquoi l'Eglise s'y montrait tellement favorable:

« C'était que peut-être huit millions de catholiques autrichiens, incorporés au groupe des catholiques du Reich, en feraient une masse catholique allemande mieux en mesure de faire sentir son poids ». (67)

La Pologne se trouvait dans le même cas que l'Autriche, quand Hitler, après l'avoir envahie, en annexa une partie au nom de Wartheland. Encore quelques millions de catholiques venant renforcer l'effectif allemand d'obédience romaine : le Saint-Siège ne pouvait voir cela que d'un bon oeil, malgré tout son amour pour ses « chers Polonais ». Et, de fait, il se garda bien de faire grise mine à ce regroupement - un peu brutal -- des catholiques en Europe centrale, selon le plan dit général des Jésuites Halke von Ledochowski.

Les thuriféraires patentés du Vatican ne cessent de répéter à leurs lecteurs que Pie XII a « protesté » contre l'agression dans l'encyclique « Summi Pontificatus ». Mais, en réalité, dans ce document amphigourique comme tous ceux de cette sorte, et qui ne comporte pas moins de 45 pages, on relève tout juste, vers la fin, une phrase à l'adresse de la Pologne écrasée par Hitler. Encore n'est-ce qu'une vague formule de compassion, avec le conseil aux Polonais de prier longuement la Sainte Vierge ! Le contraste est frappant, entre ces quelques mots de condoléance banale et les pages flatteuses consacrées à l'Italie (fasciste) et à l'exaltation du Traité du Latran, conclu par le Saint-Siège avec Mussolini, ce compère d'Hitler, qui, au moment même où le pape rédigeait son encyclique, avait lancé au monde comme un défi le scandaleux discours commençant par ces mots : « Liquidata la Polonia ! ».

Mais que risque-t-on à user de ces alibis dérisoires, quand on prêche des convertis ? Et d'ailleurs, parmi ceux-ci, combien peu se soucient de vérifier la référence.

Cependant, si l'on passe au comportement effectif du Vatican dans cette affaire, que voit-on ? On voit d'abord le nonce à Varsovie, Mgr Cortesi, pousser le gouvernement polonais à céder à Hitler sur tous les points : Dantzig, le « corridor », les territoires où vivent des minorités allemandes (68). Puis, une fois le coup fait, on voit encore le Saint-Père prêter ses bons offices à l'agresseur pour tenter de faire entériner par Paris et par Londres une large amputation de sa « chère Pologne ». (69)

A ceux qui seraient. surpris d'un tel comportement envers cette nation catholique entre toutes, il suffira de rappeler un précédent fameux : Après le premier partage de la Pologne en 1772, catastrophe où les intrigues des Jésuites eurent leur large part, le pape Clément XIV, écrivant à l'impératrice d'Autriche Marie-Thérèse, lui exprimait sa satisfaction en ces termes :

« L'invasion de la Pologne et son partage n'ont pas été seulement une chose politique, ils correspondent aussi à l'intérêt de la religion et il était nécessaire, pour le profit spirituel de l'Eglise, que la Cour de Vienne étendît sa domination en Pologne aussi loin que possible ».

Comme on le voit, rien de nouveau sous le soleil - surtout au Vatican. En 1939, il n'y avait pas un mot à changer à cette déclaration cynique, sauf que « le profit spirituel de l'Eglise » était, cette fois, de voir entrer quelques millions de Polonais catholiques dans le Grand Reich.

Et c'en est bien assez pour expliquer la parcimonie des condoléances papales dans « Summi Pontificatus ».

En Tchécoslovaquie, le Vatican devait faire encore mieux : il allait fournir à Hitler un de ses propres prélats, camérier secret, pour en faire le chef d'un Etat satellite du Reich.

L'« Anschluss » avait eu un profond retentissement en Europe. Désormais, c'était sur la République Tchécoslovaque que planait la menace hitlérienne, et l'on sentait venir la guerre. Mais au Vatican on ne semblait s'en soucier que fort peu. Ecoutons encore M. François Charles-Roux :

« Dès le milieu d'août, j'avais entrepris d'obtenir du pape qu'il parlât en faveur de la paix, - de la paix juste, s'entend... Mes premières démarches n'eurent pas de succès. Mais à partir du début de septembre 1938, c'est-à-dire du moment où la crise internationale atteignit son point culminant, je commençai à recueillir au Vatican des impressions lénifiantes qui contrastaient étrangement avec l'aggravation rapide du péril ». (70)

A toutes les démarches faites auprès de lui pour qu'il élevât la voix, Pie XI - nous dit l'ancien ambassadeur de France --- répondait invariablement :

«- Ce serait inutile, superflu, inopportun». Je n'arrivais pas à m'expliquer son obstination à se taire » (71)

L'explication de ce silence, les faits n'allaient pas tarder à la donner. Ce fut d'abord l'annexion par le Reich du territoire des Sudètes, avec l'appui du Parti Social-Chrétien, bien entendu ; annexion qui fut entérinée par l'accord de Munich. Ainsi fut amputée la République Tchécoslovaque. Mais Hitler, qui s'était engagé à en respecter désormais l'intégrité territoriale, comptait bien, en réalité, procéder à l'annexion des pays tchèques détachés de la Slovaquie et régner en outre sur celle-ci par personne interposée.

Il eut d'autant moins de peine à y parvenir que, comme le signale Walter Hagen, les principaux chefs politiques slovaques n'étaient pour la plupart que des ecclésiastiques catholiques (72), et parmi ceux-ci le prêtre Hlinka, (Jésuite), disposait d'une « garde » calquée sur le modèle des S.A. hitlériens.

On sait qu'aux termes du droit canon aucun prêtre lie peut accepter une charge publique ou un mandat politique sans en avoir reçu l'autorisation du Saint-Siège.

C'est ce que confirme, et explique d'ailleurs, le R.P. Jésuite de Soras :

« Comment en serait-il autrement ? Nous l'avons déjà dit, un prêtre en vertu du « caractère » dont son ordination l'a marqué, en vertu des fonctions officielles qu'il exerce au sein même de l'Eglise, en vertu de la soutane qu'il porte, agit forcément, au regard de l'opinion, en tant que catholique, du moins s'il s'agit d'action publique. Là où est le prêtre, là est l'Eglise ». (73)

C'était donc avec l'agrément du Vatican que des membres du clergé siégeaient au Parlement tchécoslovaque. A fortiori, l'un de ces prêtres eut besoin de l'approbation du Saint-Siège pour recevoir des mains du Führer, l'investiture en tant que chef d'Etat - et ensuite pour accepter les plus hautes distinctions hitlériennes : la Croix de Fer et le Grand cordon de l'Aigle Noir

Comme prévu, le 15 mars 1939, Hitler annexait le reste de la Bohême et de la Moravie et prenait « sous sa protection » la République Slovaque, créée par lui d'un trait de plume. A sa tête il plaça Mgr Tiso (Jésuite), « qui rêvait de combiner le catholicisme et le nazisme ».

Noble ambition, et facile à réaliser en somme, comme l'avaient déjà prouvé les épiscopats allemand et autrichien.

Le catholicisme et le nazisme, proclamait Mgr Tiso, ont beaucoup de points communs et ils oeuvrent la main dans la main pour réformer le monde ». (74)

Tel devait être aussi l'avis du Vatican, puisque - malgré la « terrible » encyclique « Mit brennender Sorge » - il ne marchandait pas son approbation au prélat-gauleiter :

« En juin 1940, la Radio vaticane annonça : « La déclaration de Mgr Tiso, chef de l'Etat slovaque, affirmant son intention d'édifier la Slovaquie selon un plan chrétien, est très appréciée du Saint-Siège ». (75)

« Le temps du régime Tiso, en Slovaquie, fut particulièrement pénible pour l'Eglise protestante du pays, qui ne représente que le cinquième de la population. .Mgr Tiso cherchait à réduire l'influence protestante au minimum et même à l'éliminer. Des éléments influents de l'Eglise protestante furent envoyés dans des camps de concentration ». (76)

Encore ces déportés devaient-ils s'estimer heureux en effet, comme l'a déclaré le général des Jésuites Wernz, Prussien (1906-1915) :

« L'Eglise peut condamner des hérétiques à la mort, car ils n'ont de droits que par tolérance ».

Voyons maintenant avec quelle mansuétude apostolique le prélat-gauleiter traitait les enfants d'Israël :

« En 1941, à Auschwitz, le premier contingent de Juifs arrive de Slovaquie et de Haute-Silésie, et dès le début ceux qui ne sont pas capables de travailler sont passés à la chambre à gaz dans une des pièces du bâtiment abritant les fours crématoires ». (77)

Qui écrit cela ? Un témoin que l'on ne saurait récuser, Lord Bertrand Russell of Liverpool, qui fut conseiller juridique dans les procès des criminels de guerre.

Ainsi, ce n'était pas en vain que le Saint-Siège avait « prêté » un de ses prélats à Hitler. Le Jésuite chef d'Etat faisait de la bonne besogne et l'on comprend la satisfaction qu'exprimait la Radio vaticane. Avoir été le premier pourvoyeur d'Auschwitz, quelle gloire pour ce saint homme et pour la Compagnie des Jésuites tout entière !

Au reste, il ne manqua rien à ce triomphe. Livré par les Américains à la Tchécoslovaquie, à la Libération, le prélat-gauleiter fut condamné à mort en 1946 et, pendu haut et court.

C'était la palme du martyre.

« Tout ce que nous faisons contre les Juifs, nous le faisons par amour de notre nation.

« L'amour du prochain et l'amour de la patrie se sont développés en un combat fécond contre les ennemis du nazisme ». (78)

Cette déclaration de Mgr Tiso, un autre haut dignitaire de l'Eglise romaine aurait pu la reprendre à son compte, dans un pays voisin. Car si la « Cité de Dieu » slovaque eut pour bases la haine et la persécution, selon la tradition constante de I'Eglise, que dire de l'Etat éminemment catholique de Croatie, fruit de la collaboration du tueur Paveliteh et de Mgr Stepinac, assisté du légat pontifical Marcone !

Il faudrait remonter à la conquête du Nouveau Monde par l'action conjuguée des aventuriers de Cortès et des moines convertisseurs non moins féroces qu'eux, pour trouver quelque chose de comparable aux atrocités des Oustachis, que soutenaient, commandaient excitaient des religieux d'un fanatisme démentiel. Car ce que firent pendant quatre ans ces Assassins au nom de Dieu comme les a si bien nommés M. Hervé Laurière, défie toute imagination, et les annales de l'Eglise romaine, si riches pourtant en pareille matière, n'en offrent pas, en Europe, l'équivalent.

Est-il besoin d'ajouter que le compère du sanglant Ante Paveliteh, Mgr Stepinac, était, lui aussi, un Jésuite en service détaché ?

L'organisation terroriste croate des Oustachis, dirigée par Pavelitch, avait été révélée aux Français par l'assassinat commis à Marseille, en 1934, du roi Alexandre 1er de Yougoslavie et de notre ministre des Affaires étrangères, Louis Barthou. « Le gouvernement de Mussolini étant notoirement compromis avec les instigateurs du crime » (79), l'extradition de Pavelitch, réfugié en Italie, fut demandée par le gouvernement français mais le Duce se garda bien de l'accorder, et ce fut par contumace que le chef oustachi fut condamné à mort par la Cour d'assises d'Aix-en-Provence.

Ce chef de bandes, stipendié par Mussolini, « travaillait » en faveur de l'expansion italienne sur la côte adriatique. Aussi, lorsque, en 1941, Hitler et Mussolini eurent envahi et démembré la Yougoslavie, ce prétendu patriote croate fut mis par eux à la tête de l'Etat satellite qu'ils créèrent sous le nom d'« Etat indépendant de Croatie ». Et le 18 mai de cette même année, à Rome, Pavelitch offrait la couronne de cet Etat au duc de Spolète, qui prit le nom de Tomislav II. D'ailleurs, celui-ci se garda de jamais mettre le pied sur le sol ensanglanté de son pseudo-royaume.

« Le même jour, Pie XII accordait une audience privée à Paveliteh et à sa suite, parmi laquelle figurait Mgr Salis-Sewis, vicaire général de Mgr Stepinac.

« Ainsi, le Saint-Siège ne craignait pas de serrer la main à un assassin avéré, condamné à mort par contumace pour le meurtre du roi Alexandre 1er et de Louis Barthou, à un chef de bandes chargé des plus horribles crimes. En effet, le 18 mai 1941, quand Pie XII recevait avec honneur Paveliteh et sa séquelle de tueurs, le massacre des orthodoxes battait déjà son plein en Croatie, concurremment avec les conversions forcées au catholicisme » (79 bis).

C'était la minorité serbe de la population qui se trouvait visée, comme l'explique l'écrivain Walter Hagen :

« Au bout de peu de temps, le pays ne fut plus, grâce aux Oustachis, qu'un sanglant chaos... La haine mortelle des nouveaux maîtres se dirigea contre les Juifs et contre les Serbes qui furent mis, pour ainsi dire, officiellement hors la loi... Des villages entiers, voire des contrées entières, furent systématiquement exterminés... Comme la vieille tradition voulait que la Croatie et la foi catholique d'une part, la Serbie et la confession orthodoxe d'autre part, fussent synonymes, on commença à obliger les orthodoxes à entrer dans l'Eglise catholique. Ces conversions obligatoires constituaient justement l'achèvement même de la croatisation. » (80)

Andrija Artukovic, ministre de l'Intérieur, était le grand organisateur de ces massacres et de ces conversions forcées, mais, ce faisant, il ne manquait pas de se couvrir « moralement », aux dires d'un témoin bien placé.

En effet, le gouvernement yougoslave ayant demandé son extradition des Etats-Unis, où il s'est réfugié, une voix s'est élevée en sa faveur, celle du R.P. jésuite Lackovic, résidant aussi aux Etats-Unis, et qui fut pendant la dernière guerre le propre secrétaire de Mgr Stepinac, archevêque de Zagreb.

« Artukovic, affirme le R.P. Jésuite, était le porte-parole laïque de Mgr Stepinac. Pas un jour ne se passa entre 1941 et 1945 sans que je sois dans son bureau et lui dans le mien. Il consultait l'archevêque sur l'aspect moral de toutes les actions qu'il entreprenait. » (81)

Quand on pense à ce qu'étaient les « actions » de ce bourreau, on ne peut qu'être édifié par la caution « morale » que leur accordait Mgr Stepinac.

Massacres et conversions allaient se poursuivre jusqu'à la Libération, sans que jamais la bienveillance du Saint-Père à l'égard des tueurs se soit jamais démentie.

Il faut lire, dans les journaux catholiques croates de l'époque, ces échanges d'aménités entre Pie XII et Pavelitch, le « Poglavnik », auquel Mgr Saric, Jésuite, archevêque de Sarajevo et poète à ses heures, consacrait des vers empreints d'une adoration délirante.

Ce n'était là, d'ailleurs, qu'échange de bons procédés.:

« Mgr Stepinac devient membre du Parlement oustachi (82). Il porte des décorations oustachies, il assiste à toutes les grandes manifestations officielles oustachies, au cours desquelles il prononce même des discours...

« Faut-il donc s'étonner que l'Etat satellite croate ait eu de la déférence pour Mgr Stepinac ? Que la presse oustachie ait clamé les louanges de Mgr Stepinac ? Il est, hélas ! trop évident que sans l'appui de Mgr Stepinac, sur le plan religieux et politique, Ante Pavelitch n'eût jamais obtenu à un tel degré la collaboration des catholiques en Croatie. » (83)

Pour mesurer jusqu'où alla cette collaboration, il n'est tel que de lire la presse catholique croate, le « Katolicki Tjednik », le « Katolick List », le « Hrvatski Narod », et tant d'autres organes qui rivalisaient de plate adulation pour le sanglant « Poglavnik », dont Pie XII se félicitait qu'il fût un « catholique pratiquant ». La haute estime du Souverain Pontife s'étendait même aux acolytes du grand homme.

« L'Osservatore Romano » nous apprend que, le 22 juillet 1941, le pape a reçu cent agents de la police de sécurité croate, conduits par le chef de la police de Zagreb, Eugen Kvaternik-Dido. Ce groupe de SS croates constituait la fleur des bourreaux et des tortionnaires qui opéraient dans les camps de concentration, et celui qui les présentait au Saint-Père se rendit coupable de telles horreurs que sa mère se suicida de désespoir.

La bienveillance de S. S. Pie XII s'explique assez, du reste, si l'on pense au zèle apostolique de ces tueurs. Ecoutons un autre « catholique pratiquant », Mile Budak, ministre des Cultes, s'écriant, en août 1941, à Karlovac .

« Le mouvement oustachi est basé sur la religion. Sur notre fidélité à la religion et à l'Eglise catholique repose toute notre action. » (84)

D'ailleurs, le 22 juillet, à Gospic, le même ministre des Cultes avait parfaitement défini cette action :

« Nous tuerons une partie des Serbes, nous en déporterons une autre, et le reste sera obligé d'embrasser la religion catholique romaine. » (85)

Ce beau programme fut exécuté à la lettre. Quand cette tragédie prit fin, à la Libération, on comptait 300.000 Serbes et Juifs déportés et plus de 500.000 massacrés. Moyennant quoi, l'Eglise romaine avait ramené dans son sein 240.000 orthodoxes... qui, d'ailleurs, se hâtèrent de revenir à la confession de leurs ancêtres lorsque la liberté leur fut rendue.

Mais pour obtenir ce dérisoire résultat, quel déchaînement d'horreurs s'abattit sur ce malheureux pays ! Il faut lire dans le terrible ouvrage de M. Hervé Laurière, « Assassins au nom de Dieu », le détail des monstrueuses tortures que ces « catholiques pratiquants », qu'étaient les Oustachis, infligeaient à leurs malheureuses victimes.

Comme l'écrivait le journaliste anglais J.A. Voigt:

« La politique croate consistait en massacres, déportation ou conversion. Le nombre de ceux qui ont été massacrés s'élève à des centaines de milliers.

« Les massacres ont été accompagnés par les tortures les plus bestiales. Les Oustachis crevaient les yeux de leurs victimes et les portaient en guirlandes ou dans les sacs pour les envoyer en souvenir. » (86)

« En Croatie, ce furent les Jésuites qui implantèrent le cléricalisme politique. » (87)

C'est le cadeau que la célèbre Compagnie offre invariablement aux peuples qui ont le malheur de l'accueillir. Le même auteur ajoute :

« Avec la mort du grand tribun croate, Raditch, la Croatie perd son principal opposant au cléricalisme politique qui épousera la mission de l'action catholique définie par Friedrich Muckermann. Ce Jésuite allemand, bien connu avant l'avènement de Hitler, la fit Connaître en 1928 dans un livre dont Mgr Pacelli, à cette époque nonce apostolique à Berlin, avait écrit la préface. Muckermann s'exprimait ainsi : « Le Pape appelle à la nouvelle croisade d'Action catholique. Il est le guide qui porte le drapeau du Royaume du Christ... L'Action catholique signifie le rassemblement du catholicisme mondial. Elle doit vivre son temps héroïque... la nouvelle époque peut être acquise seulement au prix du sang pour le Christ. » (88)

Dix ans après que cela fut écrit, le préfacier du Père jésuite Muckermann montait sur le trône de Saint-Pierre, et durant son pontificat « le sang pour le Christ » ruissela littéralement sur l'Europe, mais nulle part la « nouvelle époque » ne fut marquée de drames plus atroces qu'en Croatie.

Là, non seulement des prêtres, du haut de la chaire, prêchaient la tuerie à outrance, mais encore certains marchaient à la tête des égorgeurs. On en vit qui cumulèrent leur ministère sacré avec les fonctions officielles de préfets ou de chefs de police oustachis, voire de chefs de ces camps de concentration qui ne le cédaient en horreur ni à Dachau, ni à Auschwitz.

A ce palmarès de sang s'inscrivent les noms de l'abbé Bozidar Bralo, du curé Dragutin Kamber, du Jésuite Lackovic et de l'abbé Yvan Saliteh, secrétaires de Mgr Stepinac, du prêtre Nicolas Bilogrivic, etc.... et d'innombrables franciscains dont le plus tristement fameux fut le Frère Miroslav Filipovitch, grand organisateur de massacres, qui fit fonction à la fois de chef et de bourreau dans le camp de concentration de Jasenovac, le plus affreux de ces enfers terrestres.

Le Frère Filipoviteh eut le même sort que Mgr Tiso en Slovaquie : il fut pendu en soutane à la Libération. Cependant, nombre de ses émules, peu soucieux de gagner la palme du martyre, s'enfuyaient vers l'Autriche, pêle-mêle avec les assassins qu'ils avaient si bien secondés.

Mais que faisait donc la « hiérarchie » devant la frénésie sanguinaire de tant de ses subordonnés ?

La « hiérarchie », c'est-à-dire l'épiscopat et son chef de file, Mgr Stepinac, votait au Parlement oustachi les décrets de conversion des orthodoxes au catholicisme, envoyait des « missionnaires » chez les paysans terrorisés, convertissait sans sourciller des villages entiers (89), prenait possession des biens de l'Eglise serbe orthodoxe, enfin encensait et bénissait sans relâche le Poglavnik, suivant en cela le haut exemple de Pie XII.

S.S. Pie XII était d'ailleurs représentée en personne à Zagreb par un moine éminent, le R.P. Marcone. Ce « Sancti Sedis Legatus » assistait, à la place d'honneur, à toutes les cérémonies du régime oustachi et se faisait même benoîtement photographier chez le chef des tueurs - Pavelitch - au milieu de sa famille, qui le recevait en ami. « Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es ».

Ainsi, la plus franche cordialité ne cessa de régner dans les rapports entre les assassins et les ecclésiastiques - nombre de ces derniers, d'ailleurs, cumulant les deux qualités. Et il va sans dire qu'aucun blâme ne leur fut jamais infligé pour cela. « Qui veut la fin veut les moyens ».

Quand Paveliteh et sa colonne de 4.000 Oustachis - dont l'archevêque Saric, Jésuite, l'évêque Garic et 400 religieux - quittèrent le théâtre de leurs exploits pour passer en Autriche, puis en Italie, ils laissèrent derrière eux une partie de leur « trésor » : les films, les photographies, les discours enregistrés de Ante Pavelitch, et des caisses pleines de bijoux, de pièces d'or, de débris d'appareils dentaires en or et en platine, de montres. de bracelets, d'alliances. Ces dépouilles des malheureux assassinés furent cachées au palais archiépiscopal où on les retrouva par la suite.

Quant aux fuyards, ils eurent recours à la « Commission pontificale d'Assistance », créée tout exprès pour sauver les criminels de guerre. Cette institution charitable les cacha dans les couvents, principalement en Autriche et en Italie, et les chefs furent munis par ses soins de faux passeports qui leur permirent de passer dans des pays « amis » où ils purent jouir en paix du fruit de leurs rapines. Ainsi en fut-il pour Ante Pavelitch, dont la présence en Argentine a été révélée, en 1957, par un attentat au cours duquel il fut blessé.

Depuis, le régime dictatorial s'est effondré à Buenos-Ayres. Comme l'ex-président Péron lui-même, son protégé dut quitter l'Argentine. Du Paraguay où il était passé d'abord, il gagna l'Espagne, et c'est à l'hôpital allemand (le Madrid qu'il est mort, le 28 décembre 1959. La presse française a rappelé à cette occasion sa sanglante carrière et - plus discrètement - les « complicités puissantes » qui lui permirent d'échapper au châtiment.

Sous le titre : « Belgrade avait réclamé en vain son extradition », on a pu lire dans le « Monde » :

« La brève information publiée ce matin dans la presse a ranimé chez les Yougoslaves les souvenirs d'un passé de souffrances et l'amertume contre ceux qui, en dissimulant Ante Pavelitch pendant près de quinze ans, ont empêché la justice de suivre son cours ». (90)

« Paris-Presse » désigne le dernier asile offert au terroriste par cette brève, mais significative phrase :

« Il échoue dans un couvent franciscain de Madrid ». (91)

C'est de là, en effet, que Pavelitch fut transporté à l'hôpital où il allait payer sa dette à la nature - et non à la justice, bafouée par ces « complicités puissantes » qu'il est aisé d'identifier.

Mgr Stepinac, qui avait, disait-il, « la conscience tranquille », restait à Zagreb, où il passa en jugement en 1946. Condamné aux travaux forcés, il fut seulement, en fait, assigné à résidence dans son village natal. La pénitence était douce, on le voit, mais l'Eglise a besoin de martyrs. L'archevêque de Zagreb a donc été placé, de son vivant, dans la sainte cohorte, et Pie XII s'empressa de l'élever à la dignité de cardinal pour « son apostolat qui brille de l'éclat le plus pur ».

On connaît le sens symbolique de la pourpre cardinalice : celui qui en est revêtu doit être prêt à confesser sa Foi « usque ad sanguinis effusionem » : jusqu'à l'effusion de sang. On ne peut nier, en effet, que cette effusion n'ait été abondante en Croatie, durant l'apostolat de ce saint homme, mais le sang qui y fut répandu par torrents n'était pas celui du prélat : c'était celui des orthodoxes et des Juifs. Faut-il voir là une «réversibilité des mérites » ?

En ce cas, les titres au cardinalat de Mgr Stepinac ne sont pas contestables. Dans le diocèse de Gornji Karlovac, dépendant de son archevêché, sur les 460.000 orthodoxes qui y vivaient, 50 MO purent se réfugier dans les montagnes, 50000 furent expédiés en Serbie, 40000 convertis au catholicisme par la terreur et 280 000 massacrés » (92).

Aussi pouvait-on lire, le 19 décembre 1958, dans » La France catholique » :

« Pour exalter la grandeur et l'héroïsme de S. Em. le cardinal Stepinac, une grande réunion aura lieu le 21 décembre 1958, à 16 heures, dans la Crypte de Sainte-Odile, 2, avenue Stéphane-Mallarmé, Paris 17e. Elle sera présidée par Son Em. le cardinal Feltin, archevêque de Paris. Le sénateur Ernest Pezet et le Révérend Père Dragoun, recteur national de la Mission Croate en France, prendront la parole. Son Excellence Mgr Rupp célèbrera une messe de communion. »

C'est ainsi qu'une nouvelle figure, et non des moindres, celle du cardinal Stepinac, est encore venue enrichir la galerie des Grands Jésuites.

Cette réunion du 21 décembre 1958, dans la Crypte de Sainte-Odile, avait pour objet, entre autres, de « lancer » un ouvrage composé à la défense de l'archevêque (le Zagreb par le R.P. Dragoun lui-même, et préfacé par Mgr Rupp, coadjuteur du cardinal Feltin. Nous ne pouvons en faire ici la complète analyse, du moins allons-nous en dire quelques mots.

Le livre s'intitule : « Le Dossier du cardinal Stepinac », ce qui semble promettre au lecteur une exposition objective du procès de Zagreb. Or, on trouve bien dans ce volume de 285 pages les plaidoiries inextenso des deux avocats de l'archevêque, assorties d'abondants commentaires de l'auteur, mais ni l'acte d'accusation ni le réquisitoire n'y figurent, même en abrégé.

Le R.P. Dragoun semble ignorer le proverbe français . « Qui n'entend qu'une cloche n'entend qu'un son » - à moins qu'il ne le connaisse trop bien, au contraire.

Quoi qu'il en soit, cet effacement systématique de la contradiction suffirait, à lui seul, à clore le débat.

Voyons pourtant les bonnes raisons invoquées à la décharge de l'archevêque de Zagreb.

Mais d'abord, une question se pose : Mgr Stepinac était-il vraiment métropolite de Croatie et de Slavonie ? Ce n'est pas le livre du R.P. Dragoun qui nous éclairera sur ce point. On y lit en effet à la page 142, à propos de la copie d'un rapport de Mgr Stepinac. dont la défense conteste l'authenticité :

« Dans le texte de la copie on désigne l'archevêque comme « Metropolita Croatiae et Slavoniae », mais l'archevêque n'est pas un métropolite et il ne s'est nulle part présenté comme tel ».

Voilà qui serait net, si on ne lisait à la page 114, dans les propres déclarations de Mgr Stepinac devant le tribunal :

« Le Saint-Siège a souvent souligné que les petites nations et les minorités nationales ont droit à la liberté. Et moi comme évêque et métropolite, je n'aurais pas eu le droit d'en parler ? » Comprenne qui pourra...

N'importe ! à ce qu'on nous assure, Mg Stepinac ne pouvait rien, absolument rien, sur le comportement de ses ouailles et de son clergé.

Argue-t-on des articles de la presse catholique, célébrant les hauts faits de Paveliteh et de ses sicaires ? Voici la réponse :

« Il est simplement ridicule de déclarer Mgr Stepinac responsable de ce que pouvait écrire un journal »

Même quand ce journal était le « Katolicki List », le plus grand organe catholique de Zagreb, diocèse de Mgr Stepinac !

Ne parlons pas non plus, dans ces conditions, de l' « Andjeo Cuvar » (L'Ange gardien), appartenant aux Franciscains, du « Glasnik Su. Ante » (La voix de Saint-Antoine) aux conventuels du « Katolicki Tjednik » (L'hebdomadaire catholique) de Sarajevo, à l'évêque Saritch ni, bien sûr, du « Vjesnik Pocasne Straze Srca Isusova » (Le Journal de la Garde d'honneur du Coeur (le Jésus (!), organe des Jésuites).

Sur toute cette presse, (dont il était le président rivalisant de plates adulations à l'adresse de Paveliteh et de son régime de sang. Mgr Stepinac, « métropolite contesté » - on commence à comprendre pourquoi il n'avait aucune influence, nous dit-on.

Il n'en avait pas davantage sur les évêques oustachis Surie, Garic, Aksamovic, Simrak, etc, qui encensaient le Poglavnik et applaudissaient à ses crimes.

Il n'en avait pas non plus sur les « Croisés » de l'Action catholique, ces auxiliaires des convertisseurs oustachis, ni sur les Franciscains égorgeurs, ni sur les religieuses de Zagreb qui défilaient, la main levée à l'hitlérienne.

Etrange « hiérarchie », qui n'avait autorité sur rien ni sur personne !

D'avoir siégé dans le Parlement oustachi, le « Sabor », en compagnie de dix autres prêtres catholiques, ne compromet pas davantage l'archevêque - ou, du moins, il faut le supposer, puisque ce fait est passé sous silence.

On ne saurait lui reprocher non plus d'avoir présidé les Conférences épiscopales et même le Comité pour l'application du Décret sur la conversion des orthodoxes. Il va sans dire que, dans cette apologie, le prétexte « humanitaire », pour avoir fait entrer dans l'Eglise romaine tant de rebaptisés par force, est largement développé - sinon habilement. Nous lisons, à propos de « l'affreux dilemme » devant lequel se trouvait Mgr Stepinac : « Son devoir pastoral était de maintenir intacts les principes canoniques, mais, d'autre part, on massacrait les dissidents qui ne se convertissaient pas au catholicisme. Il atténua alors la rigueur des règles ».

Or, deux lignes plus bas, on lit avec un certain effarement :

« Cette dramatique alternative, il tenta de la résoudre par la circulaire du 2 mars 1942, dans laquelle il ordonnait aux curés de passer au crible les motifs de conversion ».

Voilà une singulière façon d« atténuer la rigueur des règles» et de résoudre la « dramatique alternative »

Mgr Stepinac ouvrait-il ou fermait-il les portes de l'Eglise romaine aux faux convertis ? Il serait bien impossible de le savoir, si l'on s'en tenait à ce plaidoyer. Pourtant, les apologistes de l'archevêque semblent opter pour la fermeture, quand ils déclarent :

« ... Les cas de rebaptême furent très rares dans le « territoire de l'archidiocèse de Zagreb (92 bis).

Malheureusement, les statistiques disent tout autre chose. Nous l'avons signalé plus haut :

« ... Dans le seul diocèse de Gornji Karlovac, dépendant de l'archevêché de Zagreb, on compta 40.000 rebaptisés >>

Ces résultats, évidemment, ne pouvaient être obtenus que par des conversions massives de villages entiers, comme Karnensko, dans ce même archidiocèse de Mgr Stepinac, où nous avons vu 400 brebis égarées rentrer le même jour au bercail de l'Eglise romaine, de façon « spontanée et sans aucune pression des autorités civiles et ecclésiastiques ».

Mais pourquoi dissimuler ces chiffres ? On devrait s'en faire gloire, plutôt, s'ils étaient vraiment dus aux « sentiments de charité » du clergé catholique croate, et non à l'exploitation cynique de la terreur.

En vérité, il n'est pas seulement transparent, il est bien court aussi le voile qu'on essaie de jeter sur ces hontes. Pour couvrir Stepinac, il faut découvrir les évêques Saric, Garic, Simrak, les prêtres Bilogrivic, Kamber, Bralo et consorts, - il faut découvrir les Franciscains et les Jésuites, et, finalement le Saint-Siège.

Laissons à sa « bonne conscience » cet invraisemblable archevêque, ce primat de Croatie censément démuni de toute autorité, qui se disait métropolite sans l'être, à ce qu'on nous assure, et, pour comble de paradoxe, ouvrait les portes en les fermant. Mais à côté de ce fantastique prélat, il y en avait un autre, bien consistant celui-là et même corpulent, le R.P. Marcone, le représentant personnel de Pie XII.

Ce «Sancti Sedis legatus» était-il lui aussi dépourvu de toute autorité sur le clergé croate ? Mystère! Car le « dossier » si bien expurgé ne fait pas la moindre mention de ce haut personnage, et l'on pourrait ignorer jusqu'à son existence, si l'on n'était pas mieux informé par ailleurs, notamment par certaines photographies qui le représentent officiant à la cathédrale de Zagreb, trônant au milieu de l'état-major oustachi, et, surtout, déjeunant en famille chez Pavelitch, le catholique « pratiquant » qui organisait les massacres !

Devant un pareil document, on ne s'étonne plus du black-out fait sur la présence de ce représentant du pape : pour parler comme les mystiques, c'est une « ténèbre éclairante ». Mais plus éclairantes encore sont ces quelques lignes du « dossier » :

« Le procureur lui-même, dans son acte d'accusation, cite le Secrétaire d'Etat du Saint-Siège, le cardinal Maglione, qui avait encore en 1942 recommandé à l'archevêque Stepinac d'établir avec les autorités oustachistes des rapports plus cordiaux et plus sincères » (92 ter).

Que lui fallait-il donc ? Du moins, on ne peut plus ergoter désormais.

La collusion entre le Vatican et les Oustachis massacreurs apparaît ici noir sur blanc. C'était le Saint-Siège lui-même qui poussait Mgr Stepinac à collaborer avec eux, et le représentant personnel de Pie XII, en s'attablant familièrement chez Paveliteh, ne faisait qu'appliquer à la lettre la consigne pontificale : sincérité, cordialité dans les rapports avec les bourreaux d'orthodoxes et de juifs.

Cela n'a rien qui nous surprenne.

Mais qu'en pensent les RR. PP. jésuites, eux qui s'obstinent à soutenir que l'invariable concours apporté aux dictateurs par les prélats de Sa Sainteté provenait d'une « option » toute personnelle, où le Vatican n'avait aucune part ?

Quand le cardinal Maglione envoyait à l'archevêque de Zagreb les recommandations ci-dessus, était-ce son « option personnelle » qu'il exprimait, sous le sceau de la Secrétairerie d'Etat ?

Nous croyions avoir mis un point final à ce chapitre en rapportant la preuve de la connivence entre le Saint-Siège et les Oustachis fournie par le R-P. Dragoun.

Mais voici une confirmation nouvelle des sentiments évangéliques qui fleurissaient et fleurissent encore, chez les fidèles de l'Eglise catholique croate, à l'égard des Serbes orthodoxes.

La Fédération ouvrière croate en France (Section C.F.T.C.) a lancé une invitation à la réunion solennelle organisée, le dimanche 19 avril 1959, au siège de la Confédération Générale des Travailleurs Chrétiens, rue de Montholon à Paris, afin de célébrer le 18e anniversaire de la fondation de l'Etat croate oustachi.

On lit dans cette invitation :

« La cérémonie débutera par une sainte messe à l'Eglise Notre-Dame-de-Lorette... »

Mais le lecteur, édifié par ce pieux début, n'en sursaute que mieux quand il découvre un peu plus loin cette exhortation sans ambages : « MORT AUX SERBES... ! ». (93)

Ainsi, dans ce document peu banal, s'épanche le regret de n'avoir pas assez tué de ces « frères en Christ ».

D'après le livre du R.P. Dragoun, recteur de la Mission croate en France, l'accueil réservé aux réfugiés croates par les catholiques français serait insuffisamment chaleureux. On nous le dit tout net (pp. 59-60) et l'auteur revient encore (pp. 280-281) sur la « douloureuse déception » de ces réfugiés à « ne rencontrer qu'incompréhension de la part de leurs frères dans la foi ».

Eu égard au document précité, cette « incompréhension » nous paraît fort compréhensible. Nous ne pouvons que nous féliciter que, malgré les plus hautes invites, nos compatriotes témoignent peu de sympathie à une forme de piété où l'appel au meurtre voisine fraternellement avec la « sainte messe», dans la meilleure tradition romano-oustachie. Et nous serions plus satisfaits encore si l'on ne permettait pas que ces tracts sanguinaires soient imprimés et diffusés en plein Paris.

Le 10 février 1960, le trop fameux archevêque de Zagreb. Aloïs Stepinac, est décédé dans son village natal de Karlovice où il était astreint à résider. La mort fournit au Vatican l'occasion d'une de ces manifestations spectaculaires où il excelle.

En l'espèce, il y avait fort à faire, car nombreux sont les catholiques qui ne nourrissent aucune illusion sur le « cas » Stepinac. Aussi, le Saint-Siège, n'a-t-il rien négligé pour donner tout l'éclat possible à cette apothéose. L' « Osservatore Romano » en tète, toute la presse catholique a consacré maintes colonnes aux éloges dithyrambiques du « martyr », à son « testament spirituel », au discours de sa Sainteté Jean XXIII, proclamant les « motifs de respect et d'affection surnaturelle » qui l'avaient incité à accorder à ce cardinal qui n'était pas de la Curie, les honneurs d'un service solennel à Saint-Pierre de Rome, où lui-même, le pape, donnait l'absoute. Et pour que rien ne manquât à cette glorification, la presse annonçait l'ouverture prochaine d'un procès - mais canonique celui-là - à l'effet de béatifier cet illustre défunt.

Convenons qu'il a bien mérité tant de couronnes qu'on lui tresse, et même l'auréole qu'on lui destine, pour avoir si bien observé la « sainte obéissance » en exécutant à la lettre les instructions pressantes du Saint-Siège, quant aux rapports « cordiaux et sincères » qu'on souhaitait lui voir entretenir avec les oustachis.

Mais, parmi les catholiques même, il ne manquera pas d'esprits lucides, pensons-nous, pour discerner qu'en exaltant ce futur bienheureux, en ensevelissant sous les fleurs les sanglants souvenirs de son « apostolat », c'est en fait sur son propre crime que le Vatican s'efforce de donner le change.

4. L'ACTION JESUITE EN FRANCE AVANT ET PENDANT LA GUERRE 1939-1945

Nous avons vu l'Action catholique, en la personne des Léon Degrelle et consorts, préparer les voies à Hitler dans la Belgique du « Christus Rex ». En France, le même travail de sape, entrepris dès la mise en place de Mussolini, allait aboutir en 1940 au même effondrement de la défense nationale. Comme en Belgique, il va de soi que c'étaient les « valeurs spirituelles » que l'on prétendait restaurer pour le plus grand bien du pays. Ainsi naquit la F.N.C., Fédération nationale catholique, placée sous la présidence du général de Castelnau, et qui groupa jusqu'à trois millions d'adhérents. Le choix du chef était habile : le général, grande figure de la guerre, mais âgé alors de 78 ans, couvrait de son prestige personnel - et en toute innocence, d'ailleurs - une intense propagande clérico-fasciste.

Que la F.N.C., comme toute l'Action catholique, du reste, fût essentiellement jésuite, c'est ce qui ne saurait échapper à personne. Mais, de plus, on sait que les bons Pères, dont l'orgueil est le péché mignon, aiment marquer ostensiblement de leur griffe les créations de leur génie. Ils n'y manquèrent pas pour la F.N.C., en consacrant cette armée catholique au Sacré-Coeur de Jésus, culte instauré par leur Compagnie, et dont la basilique s'élève à Montmartre, en ce haut-lieu d'où Ignace de Loyola et ses compagnons partirent pour la conquête du monde.

Certain livre sur la F.N.C., préfacé par le R.P. Janvier, a conservé à la postérité l'acte de consécration lu « au pied de l'autel » par le vieux général. Nous en citerons quelques phrases :

« Coeur Sacré de Jésus,

« Voici que sont réunis et prosternés devant vous les chefs et représentants des catholiques français, assemblés et organisés en Fédération Nationale Catholique, pour rétablir sur ce pays votre règne...

« Tous, les présents comme les absents, nous n'avons pas toujours été sans reproche... Nous portons le poids des crimes de la nation française contre Vous...

« C'est donc en esprit de réparation et d'expiation que nous Vous présentons aujourd'hui nos désirs, nos intentions et nos volontés, notre résolution unanime de ne jamais plus relâcher un effort commun que votre royauté sacrée n'ait été rétablie sur la France entière, les âmes de ses enfants arrachées à un enseignement sacrilège... Nous ne. reculerons plus devant ce combat pour lequel vous avez daigné nous armer. Mais nous voulons que tout soit courbé et dévoué à votre service....

« Coeur Sacré de Jésus, nous vous supplions. par l'entremise de la Vierge Marie, de recevoir l'hommage... etc. ». (94)

Quant aux « crimes de la nation française », le même écrivain catholique va nous les préciser :

« Erreurs condamnées et directives générales : le socialisme est condamné... le libéralisme est condamné... Léon XIII montrait que la liberté des cultes est injustifiable. Le pape rappelait encore que la liberté de parler et d'écrire ne peut être justement accordée... Il n'est donc aucunement permis d'accorder la liberté de pensée, de la presse, de l'enseignement, des religions comme autant de droits que la nature a conférés à l'homme...

« Il faut, dit Pie XI, remettre en vigueur ces enseignements et ces prescriptions de l'Eglise ».

Telle est encore, sous le contrôle de la Hiérarchie, organiquement assuré par la décentralisation des Comités diocésains, telle est la fin essentielle de la F.N.C.

« Dans l'Action catholique, comme dans la guerre, le mot fameux du général de Castelnau reste vrai : « En avant ». (95)

Voilà qui est clair et catégorique. Nous savons désormais à quoi nous en tenir quand nous lisons sous la plume de Pie XI :

« L'Action catholique est l'apostolat des fidèles... » (Lettre an cardinal Van Roey, 15 août 1929).

Etrange apostolat qui consiste à rejeter toutes les libertés admises dans les pays civilisés, et a protéger, à leur place, l'Evangile totalitaire ! C'est donc là ce « droit des âmes a communiquer à d'autres âmes les trésors de la Rédemption » (Pie XI. « Non abbiamo bisogno ») ?

En Belgique, Léon Degrelle et ses amis, héros de l'Action catholique, prodiguaient autour d'eux ces « trésors de la Rédemption »... revus et corrigés par le Père jésuite Staempfle, le discret auteur de « Mein Kampf » -

Il en fut pareillement en France où des apôtres laïcs, « collaborant à l'activité de l'apostolat hiérarchique » (Pie XI « dixit »), s'occupaient à mettre sur pied une autre « collaboration ». Lisons ce qu'écrit à ce sujet Franz von Papen, camérier secret du pape et bras droit du Führer :

« Une première prise de contact eut lieu en 1927, quand une délégation allemande à laquelle j'avais l'honneur d'appartenir, vint à Paris pour assister à la « Semaine sociale de l'Institut catholique » sous la présidence de Mgr Baudrillart. Prise de contact féconde, puisqu'elle fut le point de départ d'un long échange de visites entre des personnalités de premier plan, françaises comme allemandes.

« Du côté français, prirent part à ces conférences les RR. PP. Delattre (Jésuite), de la Brière (Jésuite) et Danset (Jésuite)... ». (96)

Plus loin, le bon apôtre ajoute qu'à certains moments « cette conférence de catholiques s'éleva jusqu'aux sphères surhumaines de la grandeur ».

Cette « grandeur » devait avoir son apogée le 14 juin 1940, jour où le drapeau à croix gammée flotta victorieusement sur Paris. On sait que Goebbels, chef de la Propagande hitlérienne, avait indiqué cette date trois mois à l'avance, le 14 mars, alors que l'offensive allemande ne fut déclenchée que le 10 mai.

L'exactitude de cette prévision n'est pas aussi surprenante qu'il semblerait.

« Voici le rapport secret de l'agent 654 J. 56, du service secret allemand, qui adressait à Himmler ces révélations -

« Paris, 5 juillet 1939.

« En France, je peux déclarer que nous avons aujourd'hui la situation en main. Tout est prêt pour le jour J et tous nos agents sont désormais en place. En quelques semaines, tout le système policier et militaire de ce pays s'écroulera comme un château de cartes ».

« De multiples documents secrets relatent que les traîtres avaient été choisis depuis longtemps. On retrouve là Luchaire, Bucard, Déat, Doriot... et Abel Bonnard (de l'Académie Française ) ». (97)

(Notons que ce dernier s'enfuit en Espagne à la Libération. Rentré en France le 1er juillet 1958 et s'étant constitué prisonnier, il fut immédiatement mis en liberté provisoire par le président de la Haute-Cour de Justice !)

M. André Guerber, dans son ouvrage remarquablement documenté, cite les fiches de paye du S.R. allemand, portant les sommes allouées à ces traîtres. Argent bien gagné, car on sait que leur travail fut efficace.

D'ailleurs, l'atmosphère était depuis longtemps créée. On avait vu éclore, pour « régénérer » le pays selon les voeux de l'Action catholique, toute une couvée d'apprentis-dictateurs sur le modèle de Léon Degrelle, les Déat, les Bucard, les Doriot, ce dernier - d'après M. André Guerber - « agent No 56 BK du Service secret allemand ». De tous les porteurs de chemises aux couleurs variées, il était, an reste, le candidat le mieux vu de l'archevêché, comme, des milieux bien-pensants... et, bien entendu, de Hitler qui, plus tard, à Sigmaringen, devait lui donner carte blanche.

Doriot, c'était l'astre qui se levait ; mais pour l'immédiat, pour ménager la transition après la. défaite prévue et voulue, il fallait un autre homme, un chef militaire hautement respecté qui cautionnât l'opération, c'est-à-dire le maquillage du désastre en « redressement national ».

Dès 1936, on pouvait lire sous la signature du chanoine Coubé :

« Le Seigneur peut bien faire germer des sauveurs de la terre qui a produit un Charlemagne et les héros des Croisades... Il y a certainement parmi nous des hommes qu'il a marqués de son signe, qu'il tient en réserve et qu'il révélera quand son heure sera venue. ... Il y a certainement parmi nous des hommes de l'étoffe dont on fait les ouvriers des grandes restaurations nationales. Mais quelles sont les conditions nécessaires pour qu'ils s'acquittent de cette mission ? Il y a les qualités naturelles de l'intelligence et du caractère ; mais il y a aussi des qualités surnaturelles non moins indispensables, puisqu'il s'agit d'une oeuvre politique qui est avant tout morale et religieuse : c'est-à-dire l'obéissance à Dieu et à sa loi... La race des sauveurs, c'est la race des hommes au grand coeur qui ne travaillent que pour la gloire de Dieu... ». (98).

Quand le disciple de Loyola se livrait à ces considérations politico-religieuses, il savait fort bien quel serait ce pieux « sauveur » dont il annonçait la venue. On ne faisait pas mystère de son nom dans les milieux clérico-fascistes, comme le rappelle M. François Ternand :

« Une campagne de propagande commence, habile, insistante, en faveur d'une « dictature Pétain »...

« Gustave Hervé a fait paraître en 1935 un opuscule que nous allons feuilleter... La brochure s'intitule : C'est Pétain qu'il nous faut... Gustave Hervé introduit son recueil par une préface, dans laquelle il fait l'apologie enthousiaste du « redressement italien » et du « redressement, plus merveilleux encore de l'Allemagne », il exalte les admirables chefs qui en sont les auteurs. Et nous, Français, où en sommes-nous ?... Et pourtant il existe, l'homme autour duquel il suffirait de se grouper... Nous l'avons sous la main, l'homme providentiel... Vous voulez savoir son nom ? Il s'appelle Pétain ».

« Ainsi, « c'est Pétain qu'il nous faut », car la patrie est en danger ». Non seulement la patrie, mais le catholicisme : « La civilisation chrétienne est condamnée à mort si un régime dictatorial ne vient pas à temps dans chaque pays »...

« Ecoutez bien : « en fait, on ne peut, en temps de paix balayer un régime par un coup d'Etat que s'il veut bien se laisser faire, et s'il n'a aucune force dans l'armée, les administrations, pour le soutenir. Il n'y a qu'en temps de guerre et particulièrement en cas de défaite, qu'on puisse réussir l'opération ». (99)

On le voit, la marche à suivre était bien définie dès 1935 : pour « rechristianiser » la France, il fallait balayer le régime, et pour cela il n'était rien de tel qu'une défaite militaire qui nous ferait passer sous le joug allemand. C'est ce que confirmait, en 1943, Pierre Laval, comte du pape et président du gouvernement de Vichy :

« Je souhaite la victoire de l'Allemagne. Il paraît étrange, n'est-ce pas, d'entendre le vaincu souhaiter la victoire du vainqueur. C'est que nous ne vivons pas une guerre comme les autres. Nous sommes dans une véritable guerre de religion ! Oui, une guerre de religion. » (100)

Certes, c'était bien ainsi que l'entendait l'Eglise, n'en déplaise au trop oublieux Jésuite, le R. P. Fessard, précité, qui ne veut plus savoir ce que clamait à la radio américaine, pour les 20 millions d'auditeurs du «Front Chrétien», son frère en Loyola, le Père Coughlin : « La guerre d'Allemagne est une bataille pour la chrétienté ». (101)

Mais à la même époque, dans la France occupée, n'entendait-on pas le cardinal Baudrillart, recteur de l'Institut catholique de Paris, faire la même profession de foi ? Ecoutons-le :

« La guerre de Hitler est une noble entreprise pour la défense de la culture européenne » (102).

Ainsi, de part et d'autre de l'Atlantique, comme dans le reste du monde, d'ailleurs, les voix cléricales se répondaient, entonnant le même hosanna au Nazisme vainqueur.

En France, donnant l'exemple à tout l'épiscopat, le cardinal Suhard, archevêque de Paris, « collaborait » avec entrain, tout comme le nonce, Mgr Valerio Valeri, Jésuite en service détaché.

Au lendemain de la Libération, ils ne furent pas moins de trente évêques et archevêques, particulièrement compromis, dont le gouvernement demanda le rappel au Vatican. Finalement, celui-ci consentit à en rappeler trois.

« La France a oublié..., écrit M. Maurice Nadeau.

« La Croix», qui fut le plus dangereux organe au service de la collaboration, prend place parmi les journaux de la France libérée ; les prélats qui engageaient les jeunes Français à travailler pour la victoire de l'Allemagne, n'ont pas été déférés devant les tribunaux. » (103)

On Peut lire également dans « Artaban » du 13 décembre 1957 :

« En 1944, « La Croix » fut poursuivie pour intelligence avec l'ennemi et déférée devant la cour de Justice de Paris, l'instruction confiée au juge Raoult, qui rendit un non-lieu. L'affaire fut évoquée à la tribune de la Chambre, le 13 mars 1946 (voir « J. 0. » Débats parlementaires, pages 713-714) et on apprit ainsi que M. de Menthon, ministre de la Justice, furieux épurateur de la Presse française, avait fait une pression en faveur de « La Croix ».

En effet, l' « organe de la pensée pontificale » - comme le désignait Pie XII en lui envoyant sa bénédiction, en 1942 - fut seul excepté de la mesure générale qui supprimait tous les journaux ayant paru sous l'occupation. Et pourtant, comme le rappelle « Artaban » :

« La Croix, recevait les consignes du lieutenant allemand Sahm et à Vichy celles de Pierre Laval ».

Autant dire que la « pensée pontificale » et les consignes hitlériennes coïncidaient heureusement. C'est ce que l'on peut vérifier sans Peine en feuilletant la collection de guerre de cet estimable journal.

On n'ignore pas, d'ailleurs, que l'une des attributions des fils de Loyola, et non la moindre, est de « coiffer » toute la presse catholique. C'est à eux qu'il appartient de nuancer dans différents organes, adaptés aux orientations de la clientèle, cette « pensée pontificale » qui, sous ses aspects volontiers ondoyants, ne laisse pas de tendre implacablement vers ses buts. De fait, quelle que soit sa nuance particulière, il n'est pas de journal ou de périodique « chrétien » qui ne jouisse de la collaboration de quelques jésuites... discrets.

Les Pères Tout-à-tous sont évidemment plus propres que personne à jouer les caméléons. Ils n'y manquèrent pas, comme on le sait, dès la Libération, et l'on vit alors surgir un peu partout, non sans quelque surprise, des Pères « résistants » (de fraîche date) pour témoigner que l'Eglise n'avait jamais, au grand jamais, « collaboré ».

Oubliés, anéantis, évaporés, les articles de « La Croix » et autres journaux catholiques, les mandements épiscopaux, les lettres pastorales, les communiqués de l'Assemblée des Cardinaux et Archevêques, les exhortations du cardinal Baudrillart appelant les jeunes Français à servir dans la L.V.F. sous l'uniforme des nazis, après avoir prêté serment de fidélité à Hitler ! Fini, effacé, tout cela !

« L'histoire est un roman », a dit certain penseur désabusé. Celle de notre temps ne fera pas mentir cette définition : le roman se fait sous nos yeux. Nombre d' « historiens » y concourent, ecclésiastiques ou laïcs, mais également bien-pensants, et l'on peut tenir pour certain que l'oeuvre sera édifiante : un roman catholique, en somme. Au reste, les Jésuites y prennent une large part, en dignes héritiers du Père Loriquet, celui-là même (lui, dans son « Histoire (le, France », avait si bien « escamoté » Napoléon.

En comparaison de ce tour de force, il est permis de considérer comme un jeu l'escamotage de la collaboration cléricale avec l'occupant allemand, de 1940 à 1944. Et on le joue allègrement, ce jeu, depuis quelques années. Que d'articles dans les journaux et les revues, que de livres, dûment revêtus de « l'imprimatur », pour chanter le los de ces superpatriotes méconnus : les Suhard, les Baudrillart, les Duthoit, les Auvity, les Du Bois de la Villerabel, les Mayol de Luppé, etc. ! Que de pages noircies pour exalter l'attitude - combien héroïque ! - de l'épiscopat au cours de ces années de guerre, alors que la France connaissait - comme écrit l'un de ces pince-sans-rire - « une situation qui amenait les évêques français à se dresser en « défenseurs de la cité » ! (104).

« Calomniez, calomniez ! Il en restera toujours quelque chose », recommandait Basile, ce type immortel du Jésuite. « Blanchissez, blanchissez ! », disent en l'espèce ses successeurs, grands faiseurs de « romans historiques ».

Et l'on blanchit à longueur de colonnes.

C'est ainsi que les générations futures, noyées sous des flots d'hyperboles, dédieront une pensée reconnaissante - on l'espère, du moins - à ces « défenseurs » impavides de la cité, à ces héros de l'Eglise romaine et de la Patrie, « vêtus de probité candide ou de lin blanc » par les soins de leurs apologistes - et dont quelques-uns, au surplus, auront été canonisés !

Il s'en fallut même de peu que, le 25 août 1944, le chef de file de la collaboration cléricale, le Cardinal Suhard, Jésuite en service détaché, Archevêque de Paris (depuis le 11 mai 1940 !), ne célébrât imperturbablement à Notre-Dame le « Te Deum » de la victoire ! Seule, l'énergique protestation de l'aumônier général des F.F.I. nous épargna cette farce indécente.

On peut lire, en effet, dans « France-Dimanche » du 26 décembre 1948 :

« Son Em. le cardinal Suhard, archevêque de Paris, vient de recevoir, à l'occasion de ses noces sacerdotales, une lettre autographe de S.S. Pie XII le félicitant, entre autres, de son rôle pendant l'occupation. On sait que le comportement du cardinal au cours de cette période avait donné lieu, après la Libération, à de sévères critiques. Et le général de Gaulle, à son arrivée à Paris, en août 1944, avait refusé de rencontrer » le cardinal Suhard au « Te Deum » célébré à Notre-Dame. Le prélat, à cette époque, était ouvertement accusé de « tendances collaborationnistes ».

Rien de plus naturel, donc, que les félicitations du Saint-Père. Mais il existe une autre histoire de « Te Deum » encore plus édifiante.

Lors des combats livrés après le débarquement des alliés, la ville de Rennes eut beaucoup à souffrir, et l'on compta de nombreuses victimes parmi les non-combattants, le commandant de la garnison allemande ayant refusé d'évacuer la population civile. Quand la place eut été emportée, on voulut célébrer le « Te Deum » traditionnel, mais l'archevêque et primat de Bretagne, Mgr Roques, refusa tout net, non seulement d'officier lui-même, mais encore de permettre que cette cérémonie se déroulât dans sa cathédrale. Remercier le Ciel d'avoir permis la libération de sa ville, c'était un scandale intolérable aux yeux de ce prélat. Cette attitude lui valut d'ailleurs d'être consigné à l'archevêché par les autorités françaises.

Une telle fidélité à la « pensée pontificale » appelait une récompense proportionnée. De fait, celle-ci vint bientôt de Rome sous la forme d'un chapeau de cardinal.

On peut reprocher bien des choses à feu Pie XII, mais il faut convenir qu'il a toujours su « reconnaître les siens ». Une lettre élogieuse au cardinal Suhard distingué collaborateur, la pourpre pour Mgr Roques, héros de la Résistance... allemande : ainsi ce « grand pape » pratiquait-il exactement la justice distributive.

On sait, d'ailleurs, qu'il était fort bien entouré. Pour le conseiller, il avait deux Jésuites allemands, le R.P. Leiber et le R.P. Hentrich, « ses deux secrétaires particuliers et ses familiers » (105). Pour confesseur, il avait le R.P. Béa, Jésuite allemand. Soeur Pasqualina, religieuse allemande, dirigeait son ménage et surtout faisait sa cuisine. Il n'était pas jusqu'au canari familier, répondant au doux nom de Dumpfaf, qui ne fût importé d'outre-Rhin.

Mais le Souverain Pontife ne l'avait-il pas déclaré lui-même à von Ribbentrop, après l'invasion de la Pologne par Hitler ? « Son coeur », assurait-il, battait et battrait toujours pour l'Allemagne » (106).

5. LA GESTAPO ET LA COMPAGNIE DE JESUS

Si Pie XI et son continuateur Pie XII ne se départirent jamais de leur bienveillance à toute épreuve pour le Führer qu'ils avaient aidé à élever au pouvoir, il faut reconnaître que celui-ci, de son côté, remplit exactement les conditions du pacte qui le liait au Vatican. Les anticléricaux, qu'il avait expressément promis de « juguler », s'en allèrent rejoindre, dans les camps de concentration, les libéraux et les Israélites. Pour ceux-ci, on sait comment le chef du Ille Reich avait réglé leur sort : l'extermination totale de la race par le massacre pur et simple, quand on ne jugeait pas plus avantageux, avant de les « liquider », de les faire travailler jusqu'à extinction de leurs forces. En ce cas, la « solution définitive » était seulement différée.

Mais, voyons d'abord comment une personnalité particulièrement « autorisée », c'est-à-dire Franco, chevalier de l'Ordre du Christ, a confirmé en termes exprès la collusion vaticano-nazie. Voici, d'après « Réforme », ce que publiait la presse du dictateur espagnol, le 3 mai 1945, jour de la mort d'Hitler :

« Adolf Hitler, fils de l'Eglise catholique, est mort en défendant la Chrétienté On comprendra donc que notre plume ne trouve pas de mots pour pleurer sa mort, alors qu'elle en avait tant trouvé pour exalter sa vie. Sur ses restes mortels se dresse sa figure morale victorieuse. Avec la palme du martyre. Dieu remet à Hitler, les lauriers de la Victoire. » (107)

Dans cet éloge funèbre du chef nazi, retentissant comme un défi aux alliés vainqueurs, c'est la voix même du Saint-Siège qui s'exprime sous le couvert de la presse franquiste. Autant dire un communiqué du Vatican, via Madrid.

Certes, le héros disparu avait bien mérité de l'Eglise romaine et on ne nous le cache pas. Il l'a servit avec fidélité : tous ceux que cette Eglise lui avait désignés comme ses adversaires en surent quelque chose. Du reste, ce bon « fils » n'hésitait pas à reconnaître ce qu'il devait à sa Très Sainte Mère, et tout particulièrement à ceux qui se sont institués ses soldats dans le monde.

« J'ai surtout appris de l'Ordre des Jésuites, m'a dit Hitler... Jusqu'à présent, il n'y a jamais rien eu de plus grandiose sur la terre que l'organisation hiérarchique de l'Eglise catholique. J'ai transporté directement une bonne part de cette organisation dans mon propre parti .... Je vais vous livrer un secret. Je fonde un Ordre ... Dans mes « Burgs » de ]'Ordre, nous ferons croître une jeunesse devant laquelle le monde tremblera... Hitler s'arrêta et déclara qu'il ne pouvait en dire davantage... » (108)

Un autre hitlérien de haut grade, Walter Schellenberg, ex-chef du contre-espionnage allemand, a complété après la guerre cette confidence du Führer :

« L'organisation des SS avait été constituée par Himmler suivant les principes de l'Ordre des Jésuites. Les règlements de service et les Exercices spirituels prescrits par Ignace de Loyola constituaient un modèle que Himmler chercha soigneusement à copier...

« Le « Reichsführer SS » - titre de Himmler comme chef suprême des SS - devait correspondre au « Général » de l'Ordre des Jésuites et toute la structure de la direction était calquée sur l'ordre hiérarchique de l'Eglise catholique.

« Un château moyenâgeux, près de Paderborn en Westphalie et appelé « Webelsbourg », fut restauré et aménagé pour servir en quelque sorte de monastère SS ». (109)

De leur côté, les meilleures plumes théologiques s'évertuaient à démontrer l'étroite parenté des deux doctrines, la catholique et la nazie. Et il va de soi que, dans cette entreprise, les fils de Loyola étaient au premier rang. Voyons par exemple en quels termes Michaele Schmaus, théologien jésuite, présentait au public une collection d'études sur ce sujet :

« Empire et Eglise » est une série d'écrits qui doit servir à l'édification du IIIe Reich par les forces unies de l'Etat national-socialiste et du christianisme catholique... Le mouvement national-socialiste est la protestation la plus vigoureuse et la plus massive contre l'esprit des 19, et 20e siècles... Entre la foi catholique et la pensée libérale il n'y a pas de compromis possible... Rien n'est plus contraire au catholicisme qu'une conception de l'être démocratique... Le sens de nouveau éveillé de l'autorité stricte rouvre le chemin d'une nouvelle intelligence de l'autorité ecclésiastique... Sur la doctrine catholique du péché originel se fonde la méfiance envers la liberté... Les Tables de la Loi national-socialiste et celles de l'impératif catholique indiquent la même direction... » (110).

Cette direction, c'était celle du « nouveau moyen âge » qu'Hitler promettait à l'Europe. L'identité apparaît complète, d'ailleurs, entre l'anti-libéralisme forcené de ce Jésuite munichois et celui qui s'exprimait, de façon non moins véhémente, dans l'acte de consécration de la F.N.C. au Sacré-Coeur de Jésus, à « Montmartre. » De même, sous l'occupation, le R.P. Merklen écrivait : « La liberté de nos jours, ne semble plus mériter aucune estime » (111).

Des citations de ce genre, on pourrait en donner par milliers. Cette haine de la liberté sous toutes ses formes, n'est-ce pas l'esprit même du magistère romain ? On conçoit donc que la « doctrine » catholique ait pu s'harmoniser sans peine avec la « doctrine » nazie. Celui qui avait si bien démontré cette concordance, « le Jésuite Michaele Schmaus », était, dix ans après la guerre, qualifié par La Croix de « grand théologien de Munich » (112), et l'on ne surprendra personne, sans doute, en disant « qu'il fut élevé par Pie XII « à la dignité de Prince de l'Eglise. »

Mais que devenait, en l'occurrence, la « terrible « encyclique « Mit brennender Sorge » de Pie XI, qui était censée « condamner » le nazisme ? C'est ce qu'aucun casuiste ne s'est avisé de nous dire... et pour cause !

Le « grand théologien » Michaele Schmaus avait d'ailleurs bien des émules, comme l'écrit un auteur allemand qui voit dans le « Katholisch-Konservatives Erbgut » le livre le plus étrange qui ait jamais paru dans les éditions catholiques de l'Allemagne » :

« Cette anthologie qui réunit des textes des principaux théoriciens catholiques de l'Allemagne, de Gôrres à Vogelsang, arrive à nous faire croire que le national-socialisme serait parti purement et simplement des données catholiques » (113)

En écrivant cela, l'auteur ne pensait pas si bien dire, sans doute.

Un autre, très directement informé puisqu'il fut la cheville ouvrière du pacte entre le Saint-Siège et Berlin, Franz voit Papen, camérier secret et chambellan pontifical, se montrait encore plus explicite :

« Le IIIe Reich est la première puissance du monde, non seulement à reconnaître, mais à traduire dans la pratique les hauts principes de la papauté. » (114)

A cela nous nous permettrons d'ajouter : le bilan de cette pratique, ce fut les 25 millions de victimes des camps de concentration - chiffre officiel publié par l'O.N.U.

Ici, sans doute est-il nécessaire d'ouvrir une parenthèse à l'usage de certaines âmes candides, celles qui ne peuvent admettre que le massacre organisé fasse partie des « hauts principes » professés par la papauté. Il est vrai que cette candeur est soigneusement entretenue :

- Vieilles lunes que tout cela ! Barbarie d'un autre âge !

Ainsi vont prêchant de bons apôtres, grands producteurs d'Epitres aux naïfs. Et de hausser les épaules devant les sectaires « pour qui les feux de la Sainte-Inquisition n'ont pas fini de brûler » (115)

Soit ! Ecartons les surabondants témoignages de la férocité cléricale aux âges révolus, pour nous en tenir au seul 20e siècle.

Ne rappelons même pas les exploits des Stepinac et des Marcone en Croatie, ni des Tiso en Slovaquie, nous bornant à examiner l'orthodoxie de certains « hauts principes » qu'ils mettaient si bien en pratique.

Sont-ils vraiment périmés aujourd'hui, ces principes, désavoués par une « doctrine éclairée », rejetés officiellement par le Saint-Office parmi les erreurs d'un ténébreux passé ? Il est aisé de le savoir.

Ouvrons, par exemple, la « Grande Apologétique » de l'abbé Jean Vieujan, oeuvre qui passerait difficilement pour moyenâgeuse, étant datée de 1937. Qu'y lisons-nous ?

« Pour accepter l'Inquisition dans son principe, il suffit d'avoir une mentalité chrétienne et c'est ce qui manque à beaucoup de chrétiens... L'Eglise n'a pas de ces timidités. » (116)

On ne saurait mieux dire.

Veut-on une autre référence, non moins orthodoxe et moderne ? Ecoutons le R. P. Janvier, fameux conférencier de Notre-Dame :

« L'Eglise a-t-elle au moins le droit, en vertu de son pouvoir indirect sur les choses temporelles, de faire appel aux Etats catholiques en vue d'obtenir la répression des hérétiques par des peines qui peuvent aller jusqu'à la mort ?

Et voici la réponse :

« Je le pense, messieurs : jusqu'à la mort !... Je le pense, en m'appuyant d'abord sur la pratique, puis sur l'enseignement de l'Eglise même, et je suis convaincu qu'aucun catholique ne professera l'idée contraire sans errer gravement » (117).

On ne peut vraiment reprocher à ce théologien de parler par énigmes. Son discours est un modèle de clarté - de concision, aussi. Impossible d'en dire plus en moins de mots. Tout s'y trouve, sur le droit que s'arroge l'Eglise romaine d'exterminer ceux qui ne pensent pas comme elle : l' « enseignement » qui oblige, la « pratique » qui légitime par tradition, et jusqu'à l' « appel aux Etats Chrétiens », dont la Croisade Hitlérienne devait nous donner un si parfait exemple.

Ce n'est pas non plus des ténèbres du moyen âge que nous parviennent ces paroles, également dénuées de toute ambiguïté :

« L'Eglise peut condamner des hérétiques à la mort, car ils n'ont de droits que par tolérance, et ces droits ne sont qu'apparents. »

L'auteur en est le général des Jésuites (de 1906 à 1915) Franz Wernz, et sa double appartenance, congréganiste et allemande, n'est pas sans donner plus de force encore à son affirmation.

Au 20e siècle également, le cardinal Lépicier, notoire prince de l'Eglise, écrit :

« Si quelqu'un fait publiquement profession d'hérésie ou cherche à pervertir les autres, soit par ses paroles, soit par son exemple, non seulement il peut, absolument parlant, être excommunié, mais il peut aussi être justement tué... » (118et118 bis).

S'il n'y a pas là un appel au meurtre caractérisé, nous voulons bien «être changé en moulin à poivre », comme disait feu Courteline.

Désire-t-on une caution plus haute, celle du Souverain Pontife ? Nous la trouvons sous la plume d'un pape moderne, à qu; les cléricaux intransigeants reprochaient son « libéralisme », le Jésuite Léon XIII : - « Anathème à celui qui dirait : le Saint-Esprit ne veut pas qu'on tue l'hérétique ».

Quelle autorité pourrait-on invoquer après celle-là, à moins d'en appeler au Saint-Esprit lui-même ?

Ainsi, n'en déplaise aux manieurs de fumigènes, aux endormeurs de consciences inquiètes, les « hauts principes » de la papauté demeurent inchangés et, entre autres, l'extermination pour la Foi reste aussi valable, aussi canonique aujourd'hui que par le passé. Constatation fort « éclairante » - pour employer un mot cher aux mystiques - quand on considère ce qui se passa en Europe de 1939 à 1945.

« Hitler, Goebbels et Himmler, ainsi que la majorité des membres de la « vieille garde » du parti, étaient Catholiques », écrit M. Frédéric Hoffet. Et il poursuit :

« On ne saurait expliquer par le simple hasard le fait que le gouvernement national-socialiste ait été, par la religion de ses chefs, le plus catholique que l'Allemagne ait connu...

« Cette parenté entre le National-Socialisme et le Catholicisme est particulièrement frappante si l'on étudie de près les méthodes de propagande et l'organisation intérieure du parti. Rien de plus instructif à ce sujet que les ouvrages de Joseph Goebbels. On sait que celui-ci a été élevé dans un collège de Jésuites et qu'il fut séminariste avant de se consacrer à la littérature et de se lancer dans la politique... Chaque page, chaque ligne de ses écrits rappelle l'enseignement de ses maîtres. Ainsi l'accent mis sur l'obéissance... Ainsi le mépris de la vérité... « Il y a des mensonges utiles comme le bon pain ! » proclame-t-il en vertu d'un relativisme moral puisé dans les écrits d'Ignace de Loyola... » (119)

Cependant, ce n'était pas à son chef de la propagande, mais à celui de la Gestapo, qu'Hitler décernait la palme de jésuitisme, quand il confiait à ses familiers : « Je vois en Himmler notre Ignace de Loyola » (120).

Pour parler ainsi, le Führer devait avoir quelques bonnes raisons. Remarquons d'abord que Kurt Heinrich Himmler, Reichsführer des SS, de la Gestapo et des polices allemandes, apparaît comme le plus marqué d'empreinte cléricale, parmi les catholiques qui composaient l'entourage immédiat d'Hitler. Son père avait été directeur d'une école catholique à Munich, puis précepteur du prince Ruprecht de Bavière. Son frère, bénédictin, vivait au couvent de Maria Laach, un des hauts lieux du pangermanisme. Mais, surtout, il avait un oncle, haut placé puisqu'il avait été chanoine à la cour de Bavière, le R.P. Himmler, Jésuite en service détaché.

D'autre part, l'auteur allemand Walter Hagen donne cette discrète indication

« Le général des Jésuites, le comte Halke von Ledochowski, se trouva disposé à organiser, sur la base commune de l'anticommunisme, une certaine collaboration entre le Service secret allemand et l'Ordre des Jésuites » (121)

De fait, on peut voir se créer, au sein du Service Central de Sûreté SS, un organisme dont presque tous les postes essentiels étaient tenus par des prêtres catholiques, portant l'uniforme noir des SS. Le Père jésuite Himmler y avait grade d'officier supérieur.

Après la capitulation du Ille Reich, le Père jésuite Himmler fut arrêté et transféré à la prison de Nuremberg. Son audition par le tribunal international n'eût pas manqué d'intérêt, apparemment. Mais la Providence veillait : l'oncle d'Heinrich Himmler ne comparut jamais dans ce prétoire. Un matin, ON LE TROUVA MORT DANS SA CELLULE, et le public ne sut pas à quel mal il avait succombé.

Nous ne ferons pas à la mémoire de ce religieux l'injure de supposer qu'il ait mis fin volontairement à ses jours, contre les solennelles prescriptions de l'Eglise romaine.

Il décéda pourtant, aussi brusquement et aussi opportunément que, naguère, un autre Jésuite, le Père Staempfle, auteur méconnu de « Mein Kampf ». Il y a de ces coïncidences...

Mais revenons à Kurt Heinrich Himmler, chef de la Gestapo, c'est-à-dire tenant entre ses mains l'organisme essentiel du régime. Faut-il penser que son mérite personnel l'avait porté à ce haut grade ? Et qu'Hitler saluait en. lui un génie supérieur, quand il le comparait au créateur de la Compagnie de Jésus ? Ce n'est certes pas ce qui ressort des témoignages portés par ceux qui l'ont connu, et qui ne voyaient en lui qu'un médiocre.

Cet astre ne brillait-il pas d'un éclat emprunté ? Etait-ce bien Kurt Heinrich Himmler, le chef ostensible, qui régnait effectivement sur la Gestapo et sur les services secrets ? Qui donc envoyait à la mort, par millions, les déportés politiques et les Israélites ? Etait-ce le neveu, ce « minus » à plate face de Basile, ou l'oncle, l'ancien chanoine à la cour de Bavière, le familier de von Ledocliowski, le Père jésuite officier supérieur des SS ?

Sans doute, il petit paraître téméraire, et même outrecuidant, d'aventurer ainsi un regard indiscret dans les coulisses de l'Histoire. La pièce se joue sur la scène, ,aux feux conjugués de la rampe, de la herse et des projecteurs. Telle est la bonne règle du spectacle ; et celui qui, fuyant l'illusion scénique, se tord le col pour tâcher de voir derrière les portants, fait aisément figure de fâcheux, sinon de malappris.

Cependant, les prestigieux acteurs qui concentrent sur eux les regards du public sont tous sortis de la coulisse. On ne saurait assez s'en souvenir, et d'autant mieux quand ces « monstres sacrés » apparaissent, à l'examen, singulièrement inégaux ait personnage qu'ils ,sont sensés représenter.

Tel fut, à ce qu'il nous semble, le cas d'Himmler. Mais ne peut-on en dire autant de celui dont Kurt Himmler fut apparemment le bras droit, c'est-à-dire d'Hitler lui-même ?

Qui n'a ressenti jadis, à voir le Führer gesticuler sur les écrans, à l'entendre vociférer ses discours hystériques, l'impression d'assister aux ébats d'un « androïde » mal réglé, d'un automate aux ressorts trop tendus ? Il n'était pas jusqu'à ses mouvements les plus simples et les plus calmes, qui n'évoquassent ceux d'un pantin mécanique. Au surplus, ne rappelons que pour mémoire les yeux ternes et globuleux, le nez mou, le faciès boursouflé, dont la fameuse mèche et le bout de moustache en balai-brosse, qui semblait collé sous les narines, ne parvenaient pas à masquer l'indigente vulgarité.

Un vrai chef, cet aboyeur de réunions publiques ? Le « vrai » maître de l'Allemagne, un « authentique » homme d'Etat, dont l'impérieux génie allait bouleverser le monde ?

Ou bien l' « ersatz » de tout cela ? Une baudruche habilement gonflée, un simulacre à l'usage des foules, un « gueuloir » ?

Lui-même ne le reconnaissait-il pas, d'ailleurs, quand il disait: « Je ne suis qu'un clairon » ? Et M. François-Poncet, à cette époque ambassadeur de France à Berlin, confirme qu'Hitler travaillait peu, ne lisait guère et laissait à ses collaborateurs « la bride sur le cou ».

Même impression de vide, d'irréel, si l'on passe aux dauphins du régime. Le premier, Rudolf Hess, qui s'envola un jour de 1941 vers l'Angleterre, devait assister comme un étranger à son propre procès à Nuremberg, et l'on ne sut jamais s'il était un dément total ou seulement un aliéné. Le second, était le grotesque Goering, obèse vaniteux arborant d'étonnants uniformes d'opéra-comique, glouton, grand voleur de tableaux et, au surplus, morphinomane.

Les autres notabilités du parti étaient à l'avenant, et ce ne fut pas une mince surprise pour les journalistes, au procès de Nuremberg, d'avoir à constater l'indigence d'esprit et de caractère, l'insignifiance - leurs tares mises à part - de ces héros de l'épopée Nazie.

Seul tranchait sur cette triste tourbe - par la finesse sinon par la valeur morale - Franz von Papen, chambellan de Sa Sainteté, « l'homme à tout faire » ... qui ne pouvait manquer d'être acquitté.

Mais si le Führer, chef de ces hommes de main, apparaît comme un invraisemblable fantoche, trouve-ton plus de consistance dans celui qui fut son modèle ? Rappelons-nous les exhibitions ridicules de ce « César (le carnaval », roulant ses gros yeux noirs, qu'il voulait fulgurants. sous l'étrange toque à aigrette ou à gland de rideau dont il était comiquement coiffé. Et ces photos de propagande, prises par en-dessous, qui faisaient saillir en plein ciel la mâchoire du phénomène, à la façon d'un roc inébranlable - symbole d'une volonté qui ne connaissait pas d'obstacles !

Pauvre volonté, cependant, si nous en croyons les confidences de certains de ses compagnons, qui le représentent, au contraire, comme un perpétuel indécis. De fait, cet « homme formidable », qui allait « tout envahir avec la force d'un élément », selon les termes du cardinal Ratti, futur Pie XI, ne résista guère aux avances du Vatican, en la personne du secrétaire d'Etat, le cardinal Gasparri, jésuite en service détaché.

Quelques conciliabules, et le révolutionnaire passait avec armes et bagages sous le gonfalon du Saint-Père, pour fournir la brillante carrière que l'on sait. Ainsi le comte Carlo Sforza, l'ancien ministre bien connu, a pu écrire :

« Un jour, quand le temps aura atténué les rancoeurs et les haines il sera peut-être reconnu par tous que l'orgie de brutalité sanguinaire, qui fit de l'Italie une prison durant vingt ans, qui fit de l'histoire une ruine avec la guerre 1940-1945, trouva son origine dans un cas presque unique dans l'histoire : la disproportion émouvante entre la légende créée artificiellement autour d'un nom. et les capacités réelles du pauvre diable de ce nom ; heureux homme qui n'avait pas en lui les obstacles de la culture. » (122)

La formule est parfaite et s'applique aussi bien à Hitler qu'à Mussolini : même disproportion entre la légende et les capacités, même absence des « obstacles de la culture » chez ces deux aventuriers médiocres, au passé hasardeux quasiment identique, et dont la fulgurante carrière demeurerait inexplicable, sans leurs qualités de batteurs d'estrade qui les firent pousser aux pleins feux de la rampe.

Que leur légende ait été t créée artificiellement », la chose est assez évidente, et l'on sait d'ailleurs qu'aujourd'hui l'apparition rétrospective du Führer sur les écrans de l'Allemagne soulève un rire énorme dans la salle.

Mais l'infériorité manifeste de ces « hommes providentiels » ne fut-elle pas justement la raison qui les fit choisir pour être élevés au pouvoir ? Le fait est qu'on peut observer le même défaut de valeur personnelle chez tous ceux que la papauté a élus pour être ses champions.

En Italie, en Allemagne, il ne manquait pas de « vrais » hommes d'Etat, de « vrais » chefs, qui eussent pu prendre la barre et gouverner, sans avoir recours aux excitations d'une « mystique » délirante. Mais ceux-là étaient trop lucides et pas assez ductiles. Le Vatican, et plus spécialement le « pape noir », von Ledochowski, n'aurait pu les tenir « comme un bâton entre ses mains », selon la formule ignacienne, pour les faire servir, vaille que vaille, à ses desseins jusqu'à la catastrophe.

On a vu Mussolini, révolutionnaire, retourné comme un gant par les émissaires du Saint-Siège qui lui promettaient le pouvoir.

Hitler, l'inflexible, devait se montrer tout aussi malléable. Le plan Ledochowski prévoyait primitivement la création d'une fédération des nations catholiques de l'Europe centrale et orientale, dans laquelle la Bavière et l'Autriche (gouvernée par Mgr Seipel, Jésuite en service détaché) auraient eu la prééminence. Il fallait donc détacher la Bavière de la République Allemande de Weimar - et, comme par hasard, l'agitateur Hitler, d'origine autrichienne, était, à cette époque, séparatiste bavarois.

Mais les chances de réaliser cette fédération et de placer un Habsbourg à sa tête apparurent bientôt fort minces, cependant que le nonce, Mgr. Pacelli, passé de Munich à Berlin, prenait de plus en plus conscience de la faiblesse de la République Allemande, mollement soutenue par les Alliés. Dès lors, l'espoir naquit, au Vatican, de s'emparer de l'Allemagne tout entière, et le plan fut modifié en conséquence :

« Ce qu'on voulait empêcher, c'était l'hégémonie de la Prusse protestante et, puisque l'on comptait sur le Reich pour dominer l'Europe - ce qui faisait écarter le fédéralisme des Allemands - on cherchait à reconstituer un Reich où les Catholiques fussent les maîtres. » (123)

Il n'en fallut pas plus. Faisant volte-face avec ses légions à chemises brunes, Hitler, la veille séparatiste bavarois devenait en un tournemain l'Apôtre inspiré du Grand Reich.


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